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Jusqu’à ce que Palo Alto brûle ...

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En janvier de cette année, la gendarmerie communiquait sur les 121 antennes relais sabotées en une année sur le territoire français. À l’heure de l’écriture de cet article, fin mars 2021, une nouvelle communication via France Info porte ce chiffre à 173.

Que l’État, la police, le ministre de l’Intérieur, la gendarmerie, les juges et les médias essayent avec virulence d’attribuer ces sabotages d’un côté à la prétendue ultra-gauche, de l’autre à des prétendus conspirationnistes ne doit pas trop nous surprendre. Les manœuvres de communication de ce genre sont issues de la doctrine contre-insurrectionnelle développée par l’État français pendant la guerre d’Indochine et affinée au cours de différents conflits, de la guerre en Algérie aux différents mouvements sociaux. Isoler l’ennemi en révolte et dépolitiser sa lutte, la méthode est bien connue. Ce qui est par contre un peu plus perturbant, c’est le fait qu’une telle dépolitisation à l’égard de ces sabotages d’antennes relais soit aussi le fait d’une partie des milieux autonomes, ce qui n’est pas sans poser quelques questions. Comment est-il possible qu’aujourd’hui il paraisse normal et légitime que des autonomes utilisent ces terminologies avec une telle facilité, étant eux-mêmes des individus qui se sont et se retrouvent encore bien souvent face à des tentatives de dépolitisation de leurs luttes. On aurait pu s’attendre à un peu plus de finesse, d’attention et à une analyse plus approfondie de la situation.

Mais revenons un peu en arrière. Depuis le premier confinement il y a eu en Europe une grande vague de sabotages contre des antennes relais. En même temps, sur Internet, circulaient des théories selon lesquelles l’installation de la 5G serait, entre autres, responsable de la diffusion massive du virus du Covid, prétendument parce que la densité des ondes permettrait au virus de survivre plus longtemps dans l’air, se dispersant ainsi plus loin, ou d’autres trucs du genre. Assez vite, ces thèses ont été reprises par différentes instances étatiques et médiatiques afin de discréditer les auteurs de ces sabotages. Mais alors qu’elle était diffusée par les sphères répressives du pouvoir, cette rhétorique a rapidement été reprise et diffusée par et dans les cercles autonomes.

Que les États qui, pendant la crise du Covid, ont saisit l’opportunité de donner un coup de boost à la restructuration numérique de la production et des modes de vie capitalistes – permettant, comme l’affirmait avec fierté Bruno Le Maire, de faire un bond en avant de dix ans – aient intérêt à discréditer et isoler toute forme de résistance envers la numérisation de nos vies est évident. On serait presque déçues que nos ennemis politiques ne réagissent pas ainsi.

Il en va autrement de certaines franges des milieux autonomes. La raison pour laquelle elles se mettent à hurler dans la même direction reste un mystère, et font état d’une vision incroyablement réduite et fausse. Les antennes relais ou la fibre optique ont été repérées et ciblées par des milieux de différentes provenances idéologiques et sociales comme des points névralgiques et des piliers de la restructuration numérique du capitalisme, bien avant le début de cette crise sanitaire. Déjà au plus fort du mouvement des Gilets jaunes, ces infrastructures ont bien souvent été la cible de sabotages, et elles sont attaquées depuis des années par des anarchistes, parfois avec l’appui de différents écrits ou communiqués de revendication.

Que la restructuration numérique soit un pilier central de la direction politique néolibérale est un fait dont a conscience une large partie de la population. Il suffit de travailler comme infirmière dans un hôpital, de trimer sur une chaîne de production dans une usine connectée et commandée par des algorithmes, ou encore de pédaler des kilomètres comme livreur Uber, pour voir à quel monstre on fait face et de quelle manière il nous rend malade.

Dans ce sens, et même si certains de ces saboteurs et saboteuses croyaient vraiment que la 5G était responsable de la diffusion du Covid, aussi fausse soit cette affirmation, elle ne ne change rien au fait que l’intuition qui guide l’action reste la bonne. Ce qui compte au fond, c’est que des êtres humains ressentent une menace clairement identifiable pour leurs vies et leurs libertés et y réagissent, s’attaquant à ce qui les étouffe. Ainsi, dépolitiser ces craintes et ces critiques en acte seulement parce que les analyses intellectuelles qu’on prête à leurs auteurs sont à côté de la plaque nous semble être une erreur monumentale. Pousser dans un coin et isoler politiquement des gens qui ont décidé de résister à l’ordre établi et aux attaques qui nous sont faites quotidiennement, c’est ouvrir un boulevard aux forces de droite et d’extrême droite pour qu’elles récupèrent cette colère et ce mécontentement.

Dans ce sens, nous plaidons pour une conspiration internationale contre l’ordre néolibéral et capitaliste, et pour un soutien hargneux à toutes les saboteurs et saboteuses de la pieuvre numérique.

Le cercle de l’amicale conspirationniste



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