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La force du changement climatique sur la réalité post-urbaine

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Considérons brièvement les développements qui nous attendent dans les dix prochaines années. Il est très plausible que, suite au choix mondial de s’attaquer au changement climatique sans affaiblissement des volumes de production, par des investissements massifs dans la production d’énergie à faible émission, les concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère continuent en fait à augmenter à un rythme toujours plus rapide, de sorte que d’ici à quelques années, nous risquons de franchir la barrière des 450 ppm [1]. La peur de la mort qui dominera alors la vie politique mondiale conduira sans aucun doute à des décisions paniquées visant à réduire de manière drastique et impitoyable les émissions de gaz à effet de serre.

Et donc, vers quoi allons-nous à toute vitesse ?

Un budget d’émissions de GES absurdement mince signifie que nous devrons arrêter ou revoir la production de biens et de services qui consomment beaucoup d’énergie (en particulier les productions en longue chaîne qui impliquent beaucoup de transport et opérations). Cela provoquera que les flux et les échanges internationaux vont se tarir (y compris transport maritime, l’aviation, les satellites, et les technologie d’information). Cela signifie que les importations et les exportations des pays stagnent, et que les flux, les échanges et les transactions à l’intérieur d’un pays vont se minimaliser. Cela signifie à son tour que les gouvernements (qui vivent de la taxation des transactions) perdent la plupart de leur ressources.

Maintenant, considérez cette dynamique du point de vue de l’individu.

La diminution rapide du budget national d’émissions de GES signifie que le comportement durable de la population doit s’intensifier très rapidement. Ils doivent s’orienter vers un mode de vie à émissions zéro. On pourrait aussi appeler cela la décroissance rapide. Les gens vont renoncer aux produits et services qui génèrent beaucoup d’émissions, et se rabattront sur les produits et services qui n’ont pratiquement pas besoin de transport et opérations. Mais, en même temps, ils établiront des priorités, car certaines choses sont plus nécessaires que d’autres. La production totale sera donc réduite et se concentrera sur la nourriture, le logement, l’amour et divertissement, et les vêtements, produits aussi localement que possible. Nombreux sont ceux qui s’installeront dans des conditions de vie locales, car vivre à proximité de ses ressources représente une réduction d’émissions de GES plus important

En attendant, le fait que les gouvernements perdront la plupart de leurs revenus créera partout (localement, bien sûr) une situation plutôt révolutionnaire. Pourquoi ? Les gouvernements devront immédiatement réduire toutes les dépenses en matière d’éducation, de défense, d’aide sociale, de culture et de soins de santé. Cela va mettre une grande partie de chaque population locale (y compris les fonctionnaires) dans une position précaire. Ils n’auront plus aucun pouvoir d’achat. Donc ça paralyse également l’économie locale. Cette menace entraînera sans aucun doute une pression énorme pour que chacun ait un accès beaucoup plus facile et égal aux moyens de satisfaire au moins les besoins fondamentaux (nourriture, eau, logement). Les autorités locales seront donc de plus en plus contraintes (par le biais d’émeutes et d’élections) de confisquer les biens immobiliers et mobiliers et de les attribuer ou de les distribuer à ceux qui n’ont pas de pouvoir d’achat mais qui ont de la main-d’œuvre.

Pour finir, si vous réfléchissez davantage aux infrastructures qui doivent être présentes localement pour pouvoir produire et utiliser les besoins de base localement, vous pouvez en déduire qu’une certaine industrie lourde restera nécessaire au niveau central ou régional. Il est en effet plausible que la production des aliments et des vêtements et la construction des maisons puissent être quelque peu mécanisées − par exemple, des tracteurs pour le fauchage, des moulins pour la mouture des grains et le tissage, des grues pour le terrassement − et que chaque commune souhaite disposer d’un bus et de bicyclettes, d’un peu d’énergie (solaire), de fer pour fabriquer des outils, des casseroles et des poêles, et de chaux pour la fertilisation. Bien sûr, il est possible de standardiser et de limiter ces productions centralisées, mais les intrants (matières premières, main-d’œuvre) doivent pouvoir être payés par les surproductions des communautés locales.

Si l’on considère l’ensemble de ces dynamiques décrites ci-dessus, on peut conclure que la vie de la décroissance locale ne sera pas une vie en rose, ni un chemin facile avec beaucoup de temps libre et de place pour toutes sortes de folies, mais une danse avec les éléments qui nécessiteront souvent de se mettre tous sur le pont. Une évolution des évènements riche en émotions mais avec peu de marge de manœuvre. Le plein engagement de chacun permettra tout juste d’éviter que les soins aux malades et aux personnes âgées ne deviennent un crime (une question de vie ou de mort).



Notes

[1Parties par million, voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Partie_par_million