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Un projet de loi pour amplifier la répression des chômeur-euse-s

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Dans sa campagne Macron avait annoncé qu’il souhaitait étendre l’assurance chômage à tou-te-s (notamment aux indépendant-e-s et aux personnes qui démissionnent) et en contrepartie augmenter les contrôles, autrement dit la pression sur les chômeur-euse-s. Il disait aussi souhaiter lutter contre les contrats précaires, fait amusant pour celui qui a passé en force le démantèlement du droit du travail. Au bout du compte ce qui se profile ressemble à une grosse arnaque - on s’en doutait - où l’on continue de prendre les personnes sans emploi pour des pigeon-ne-s qui devraient encore plus avaler toutes les offres pourries et mal payées du patronat et applaudir des deux mains. Il est difficile de savoir exactement ce que Macron nous mijote mais des éléments ont commencé à sortir et le 22 février un premier accord entre syndicats ouvriers et patronaux a été signé.

Un élargissement de l’accès au chômage bidon

Macron avait annoncé que les salarié-e-s démissionnaires pourraient toucher le chômage à partir de cinq ans de travail. Les « partenaires sociaux » n’ont signé que pour une ancienneté de sept ans ininterrompue. Vu la diminution drastique des emplois en CDI, notamment chez les jeunes, autant dire que cette mesure ne concerne que peu de personnes. Selon le gouvernement, qui a sûrement tendance à gonfler un peu les chiffres, entre 20 000 et 30 000 salarié-e-s par an seraient concerné-e-s. Seulement, la durée d’emploi n’est pas la seule condition, il faudra également présenter un projet de reconversion professionnelle qui devra être validé par différentes commissions paritaires de Pôle emploi. Il y a donc fort à parier que les projets retenus soient uniquement ceux qui correspondent aux attentes du patronat selon les régions. Pas de place donc pour toutes les personnes en souffrance dans leur travail, en burn-out ou autre, et qui souhaitent juste prendre du recul, aller mieux et peut-être avoir des activités un peu plus émancipatrices.

Sachant que le taux de mal-emploi atteindrait 25% de la population pouvant travailler (précaires, chômeurs, inactifs) [1] et que les classes ouvrières sont les plus touchées, on peut penser que les personnes qui auront en réalité accès au chômage après démission seront majoritairement des cadres et des personnes aisées, que Macron a tout intérêt à caresser dans le sens du poil.

Quant aux indépendant-e-s, ils, elles, seront financé-e-s non pas via la cotisation sociale mais à travers la CSG selon les desiderata du MEDEF [2]. Donc à travers l’impôt. Il ne s’agirait donc que d’un RSA amélioré tant dans le financement que dans le montant puisqu’on parle de 800 euros par mois pendant six mois uniquement quand l’entreprise a été mise en liquidation judiciaire... [3] Autant dire pas grand monde. En plus, les organisations syndicales n’auront aucun regard là-dessus.

Enfin, les professions libérales pourraient être exclues du dispositif, tout comme les micro-entrepreneurs exerçant leur activité à titre accessoire. À l’heure de l’uberisation massive de la société et de la start-up nation, on peut voir que la protection des salarié-e-s et des exploité-e-s est bien le dernier des soucis du gouvernement aiguillé par le MEDEF qui acclame cette loi comme la plupart que celles Macron passent.

Flicage et répression au menu des chômeur-euse-s

Le véritable fond de la réforme se trouve sûrement ici. Premièrement, les équipes chargées de contrôler les chômeurs vont voir leurs effectifs multipliés par cinq en deux ans. D’environ 200 aujourd’hui, ils passeront à 600 en 2019 et à 1 000 en 2020. Alors qu’on cherche à virer les fonctionnaires, on en emploie pour faire la chasse aux pauvres. Ce n’est pas la même chose quand on parle d’évasion fiscale qui continue de peser entre entre 30 et 60 milliards d’euros par an [4].

Ajouter à la police-emploi, les chômeur-euse-s devront aussi s’autocontrôler (start-up nation oblige) puisqu’un « carnet de bord numérique » devra être rempli et rendre compte des recherches d’emploi sur le mois à chaque utilisation. Ce dispositif doit être testé dès 2019 dans deux régions. Quiconque a déjà été à Pôle emploi se rend compte du ridicule de ce dispositif mais, couplé à la pression sur une recherche « active » et l’annonce de « sanctionner plus sévèrement les chômeur-euses-s qui ne cherchent pas d’emploi », ce carnet peut facilement servir pour radier des gens sans prétexte. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler le livret d’ouvrier [5] en place au XIXe siècle qui permettait le contrôle social et de réprimer jusqu’à leurs déplacements.

Enfin, le gouvernement relance la vieille lubie de l’offre raisonnable qu’on ne peut refuser sous peine de sanction. À présent, elle est peu utilisée pour des radiations et se définit comme « un emploi compatible avec ses qualifications et compétences professionnelles et rémunéré à au moins 95 % du salaire antérieurement perçu ». Mais tout cela va changer, le seuil acceptable passera à 75 % du salaire antérieur et l’offre raisonnable sera définie entre Pôle emploi et la personne demandeuse d’emploi avec le dernier mot pour le conseiller. Bien sûr, il faut que « les critères soient adaptés aux spécificités du marché du travail local et à la situation individuelle de chaque demandeur d’emploi ». Autrement dit, le patronat décidera en sous-main quel secteur est raisonnable ou non quand on cherche un emploi. Vous pensiez chercher un emploi intéressant, peut-être en lien avec vos études ou vos intérêts ? Mais tout ça n’est pas raisonnable ! Un conseil donc, au premier rendez-vous il est important d’être le plus restrictif possible sur ce que l’on dit accepter comme type d’emploi, de contrat, de localisation... puisque tout cela pourrait être retourné contre vous. D’autant plus que la suspension des allocations chômage risque d’être effective dès le premier refus (pendant un mois) puis allant crescendo : deux mois au deuxième refus et quatre mois au troisième refus ou plus. Efficace pour garantir aux patrons d’avoir des salarié-e-s même sur les offres les plus pourries et les moins bien payées.

Macron à la rescousse des contrats précaires

Alors que les restrictions budgétaires font que les collectivités et l’État lui-même embauchent de plus en plus de contractuels et de précaires à divers niveaux, que le démantèlement du code du travail précarise de nombreuses personnes et que les menaces sur les chômeur-euse-s vont pousser toujours plus de monde vers des contrats merdiques, Macron n’a honte de rien et annonce lutter contre les contrats précaires. Mais pas trop fort quand même.

L’accord syndicats-patronat annonce la couleur : des négociations vont être ouvertes pour prendre des « mesures permettant de modérer le recours aux contrats courts et d’allonger les durées d’emploi » et des « mesures relatives à l’organisation du travail et à la gestion de l’emploi ». Les partenaires sociaux de branches devraient, « lorsque cela est possible », se fixer des « objectifs quantitatifs et qualitatifs », qui seraient contrôlés par un « groupe de suivi paritaire ». Et les négociations devraient aboutir avant la fin 2018 [6]. Tout un programme ! À vrai dire pas grand chose c’est vrai, mais ça négocie dur et lorsque l’on voit où cela aboutit en général on peut avoir peur.

Alors, vu qu’il risque de pas y avoir grand chose, Pénicaud (la ministre du travail) a eu une bonne idée : la remise en cause du cumul chômage-emploi. La possibilité d’adapter les règles de cumul dans les négociations de branche sera inscrite dans la loi. Oui, parce que se faire sucrer son complément de chômage si on travail à temps partiel ça c’est une vraie mesure contre les contrats précaires ! Mais Pénicaud nous rassure : « Si les accords de branche le demandent, comme élément complémentaire pour lutter contre la précarité, alors on pourra le faire, mais de toute façon en consultant les partenaires sociaux. Si les accords de branche ne nous le demandent pas, alors nous n’aurons pas de raison de le faire » [7]. Nous avons sûrement toutes les raisons de faire confiance au patronat et à la force d’opposition branche par branche des syndicats !

Mais Macron n’a pas dit son dernier mot : le fameux bonus-malus aux entreprises. Après les défiscalisations massives, les entreprises les plus riches auront donc un nouveau moyen de trouver comment gratter un peu plus. Merci d’avance aux avocat-e-s fiscalistes qui font un travail acharné contre la précarité !

Nous sommes la clef de voûte, faisons s’écrouler leur système

Nous, précaires, « inactifs » de toutes sortes, chômeurs et chômeuses sommes au centre du fonctionnement actuel du capitalisme et du travail. Nous sommes les épouvantails qui permettent de maintenir les salarié-e-s sous pression dans des conditions toujours pires parce qu’ils,elles ont la chance de travailler. Nous sommes les têtes brûlées que l’on désigne comme fainéant-e-s pour légitimer la mise au rebut d’une partie de la société par l’autre et pour que l’on applaudisse les gentils patrons qui nous offrent charitablement du travail. Nous sommes la réserve d’employé-e-s flexibles, la chair à patron, prête à travailler en intérim ou en contrat merdique, pour remplacer tou-te-s les arrêts maladies et dépressions à force de souffrance au travail ou les grévistes qui tentent de résister à la marche forcée du monde.

Mais nous ne voulons pas de votre charité. Nous voulons vivre décemment avec ou sans travail salarié. Nos vies sont riches et nous ne seront pas la caution de la destruction des services publics ou de nos conditions de travail - car oui nous aussi nous pouvons parfois travailler. Rentrons en grève car les patrons ont besoin de nous et nous n’avons pas besoin d’eux. Sans nous, le pouvoir du patronat s’effrite et montre son vrai visage : du vent. Auto-organisons nous pour faire valoir nos droits et créer d’autres possibles. Nous ne voulons ni salariat ni auto-entreprenariat, nous voulons l’autogestion de nos vies et des moyens de productions.