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Un écoquartier à Eymoutiers : Les Pradelles

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Il y a 6 ans, la municipalité d’Eymoutiers a acheté 4 hectares de terrain dans l’idée de construire un écoquartier. Cette idée retient désormais l’attention du Conseil Municipal (CM15 février 2022). Les réflexions d’un-e habitant-e :

La configuration actuelle
L’annexe Cahier des charges-écoquartier Pradelles- est consultable à la mairie. Ce que je comprends de cette annexe est :
1. La décision d’acheter ce terrain de 4ha a été prise en 2015/2016, vraisemblablement juste avant que l’Etat ne décide que les villages et les villes ne devaient plus s’étendre.
2. Le sujet de l’écoquartier est indépendant de la situation de l’habitabilité d’Eymoutiers en général avec 40% du bourg vacant à cause d’un flux de circulation absurde qui traverse le centre ville chaque jour (Ceci est traité sous une autre mission : « Petites Villes de Demain »).
3. Le sujet de l’approvisionnement autonome en énergie dans ce quartier ne concerne que l’éclairage public. L’auto-approvisionnement d’électricité, sous forme de panneaux photovoltaïques, est apparemment ici à Eymoutiers une zone aveugle.
4. L’accessibilité du bourg devrait être garantie par une piste cyclable sécurisée et un itinéraire piétonnier.

Que dois-je imaginer du « éco » de ce quartier ?

Dans l’état actuel des plans, il s’agit d’un quartier avec des maisons à faible consommation d’énergie pour les personnes qui veulent vivre de manière économe en énergie et qui peuvent se le permettre. Le projet va donc donner naissance à des maisons très chères (> 200 000 euros) qui ne pourront être achetées et habitées que par des familles ayant deux bons salaires, ou par de riches retraités. Je pense que ce groupe de personnes a déjà les moyens d’installer des systèmes à faibles émissions dans leurs maisons existantes, et il s’agit d’un groupe qui (s’il déménage dans l’éco-quartier) continuera à avoir un mode de vie riche en émissions de GES en ce qui concerne les autres aspects de la vie (en termes de transport, de voyage, de divertissement, de travail ailleurs et de luxe).

Une autre approche

Je me pose la question suivante : étant donné que, dans les années à venir (selon le PCAET [1]), l’atténuation du changement climatique doit avoir la priorité absolue dans toutes les décisions communales concernant l’organisation de nos vies, n’est-ce pas là une occasion en or de donner à ce projet d’écoquartier une interprétation qui nous permettrait d’obtenir un fort avantage en matière d’atténuation sur bien d’autres points politiques (que la seule réduction des émissions des logements), tout en donnant à Eymoutiers un coup de pouce en direction d’une économie circulaire/durable à faibles émissions ?
Il est possible de concevoir ce projet de manière à ce qu’il tienne compte du souci de plus en plus pressant de nombreux jeunes adultes de réduire radicalement leur empreinte carbone.

Donner/créer des opportunités à des jeunes motivés

Ce besoin se traduit non seulement au niveau local par l’afflux croissant de jeunes motivés à la recherche d’opportunités pour développer un mode de vie simple (de ce que je vois au Café Climat), mais aussi par les nombreuses demandes de projets déposées chaque année à Terre des Liens Limousin par des jeunes qui veulent vivre sur le territoire, et au niveau national et européen par le développement rapide des mouvements des hameaux légers et des tiny houses.

Qu’est-ce que ce mouvement ?

Le mouvement des micro-maisons est un mouvement social prônant la simplicité volontaire par l’habitation de petites maisons. Lié au mouvement "zéro déchet", orienté aux habitudes de consommer moins et mieux, éviter le gaspillage, recycler, récupérer, valoriser, et jeter le moins possible. Une autre façon de vivre, plus autonome. Choisir volontairement un mode de vie simple, celui de la simplicité volontaire, privilégier l’être au paraître.

De nombreuses municipalités européennes répondent déjà à ces mouvements en prévoyant des espaces pour des formes innovantes de logement avec des projets concrets d’implantation. Voir, par exemple, cette description d’une vingtaine de municipalités allemandes qui préparent de grandes surfaces de terrain pour la construction de micro-maisons avec un permis de résidence permanente (Erstwohnung). D’ailleurs : Eymoutiers a indiqué il y a quelques années à l’association Hameaux légers qu’elle pourrait accueillir un projet hameaux légers.
En imposant un modèle A-frame [2] aux acheteurs, par exemple, on peut maximiser la surface pour poser des panneaux photovoltaïques. Et en autorisant uniquement les particuliers à acheter des parcelles pour leur propre maison sur terre solide (et pas sur remorque), nous évitons une situation de Far West.

Supposons qu’Eymoutiers décide de diviser les 4 hectares disponibles en 20 terrains à bâtir de 2000 m² chacun, équipés de raccordements aux égouts, à l’électricité et à l’eau, et de les distribuer à un prix plutôt bas (il n’y a presque pas besoin de routes à l’intérieur des terrains) à des jeunes qui veulent (laisser) construire une micro-maison et l’utiliser comme résidence principale, alors 20 familles pourraient y vivre à un prix abordable (< 50.000 euros) et avec des émissions très faibles, car elles

  • produiront eux-mêmes une grande quantité d’énergie solaire sur place
  • se chaufferont, laveront et refroidiront de manière très économique
  • utiliseront peu d’importations de luxe (qui produisent beaucoup d’émissions)
  • peuvent produire et consommer eux-mêmes des fruits et légumes sur place
  • n’ont pas besoin d’un moyen de transport motorisé et sont motivés pour vivre sans voiture
  • minimiseront leurs déchets et répareront leurs biens.

Notre résilience communale vis-à-vis du réchauffement climatique

Donc : Vingt espaces de vie pour les jeunes ambitieux qui veulent quitter la ville pour vivre dans un village à la population vieillissante. Eymoutiers devrait les embrasser. Cela donnera une forte impulsion à la fonction de marché de notre ville ; il y aura suffisamment de main-d’œuvre à temps partiel disponible pour les fonctions dans les soins et les services ; les écoles accueilleront beaucoup plus d’élèves ; les magasins locaux attireront plus de clients, à condition qu’ils se concentrent sur les produits durables ; et les transports publics auront également plus de clients et de possibilités. En outre, ces jeunes inspireront d’autres personnes (jeunes et moins jeunes) par leur mode de vie, oui, pour le meilleur ou pour le pire, je l’admets, mais nous irons de l’avant, en tombant et en nous relevant, en nous corrigeant mutuellement, en nous aidant les uns les autres.
Cinq COPs après celle de Paris (le COP 21), nous n’avons fait aucun progrès dans nos mitigations et adaptations pour maintenir un climat vivable. Les émissions continuent d’augmenter à toute vitesse dans le monde entier. Nous devons donc agir de toute urgence.

Est-ce qu’Eymoutiers opte avec cet éco-projet pour des personnes âgées avec des moyens ou va-t-elle créer un espace pour une nouvelle génération qui souhaite mener une vie à faible taux d’émission GES par simplicité afin de préserver leur avenir et celui de leurs enfants ?

Devrions-nous avoir des doutes ? De plus en plus de grands spécialistes commencent à conclure à voix haute qu’il est illusoire de penser que, sans limiter notre consommation d’énergie, nous pourrions réaliser les réductions d’émissions nécessaires pour sauver l’humanité. Cette évaluation stratégiquement essentielle deviendra, à mon avis, absolument courante dans les années à venir. Voir les conclusions dans cet article du Monde (Neutralité carbone : tous les scénarios passent par une même exigence, la sobriété) ou prenez note des remarques clés de Jancovici dans un article du Monde du 21/02/2022, à l’occasion de la présentation du PTEF ‒ un plan sans bavures pour réduire drastiquement les émissions de CO2 dans tous les secteurs économiques :
• Relocaliser et limiter (viande, lait, oeufs) la production agricole. "Il faut une place centrale à l’agriculture.... Créer des centaines de milliers d’emplois là-bas, ce qui est cohérent avec le fait qu’il faut faire dégonfler les villes".
• Réduire les voitures privées (-66%) et les vols (-35%)
• Réduire drastiquement les distances vie-travail
• Limiter les nouvelles constructions résidentielles
• Réduire la consommation d’énergie individuelle ("sobriété").

Ma conclusion

Il faut accorder plus d’attention aux transformations urgentes qui s’ajoutent à la transition énergétique déjà en cours. Nos modes de vie doivent tout simplement changer assez radicalement.
Par conséquent, il faut absolument lancer des initiatives dans cette direction, et ouvrir un chemin praticable à ceux qui ont la vitalité et la motivation pour l’arpenter.

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Vous pouvez consulter ce texte qui contient des liens électroniques sur le site web (sans cookies, sans tracking) https://millevaches-cc.nl



Notes

[1Plan climat-air-énergie territorial : Obligatoire pour toute intercommunalité à fiscalité propre (EPCI) de plus de 20 000 habitants, à l’échelle de son territoire ; il décline et met en œuvre sur son territoire les objectifs internationaux, européens et nationaux en matière de qualité de l’air, d’énergie et de climat (selon wikipédia)

[2Maisons à la charpente en A, en forme de triangle.