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Acharnement : chronique de dix ans d’exploits du maire de Bussière-Boffy

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Depuis longtemps, les jours passaient tranquillement à Bussière-Boffy. Les relations entre les habitants étaient amicales, malgré les aléas de la vie d’une petite commune rurale.

Depuis longtemps, les jours passaient tranquillement à Bussière-Boffy. Les relations entre les habitants étaient amicales, malgré les aléas de la vie d’une petite commune rurale.

En 2007, un conseiller municipal à l’air sympathique, élabore une carte communale, dans laquelle il exclut des familles, habitant le village depuis de nombreuses années, les condamnant ainsi à l’illégalité, sans prendre en compte un rapport d’enquête publique en leur faveur.
C’est aussi l’année où la municipalité de Bussière classe les biens sectionaux du grand Pic en biens privés de la commune.
Un sombre soir du mois de mars 2008, la nouvelle liste électorale se présente à la salle municipale, le futur premier adjoint (M. Bissirier), heureux et fier, déclare à l’assemblée : « On va nettoyer ce village ». On peut dire que pour une partie de la population, l’histoire commence mal.

Automne 2008, le nouveau maire, le si bien nommé Barrière, comprend qu’il faut développer la qualité de vie dans son village. Lors d’une belle matinée, il décide de fermer la cantine scolaire et envoie les enfants manger dans la commune voisine : peut-être mange-t-on mieux à Nouic ?

Et si on fermait l’école !

Février 2009, quelque chose tracasse le bon maire de Bussière : pourquoi fermer la cantine scolaire et continuer à soutenir l’école de la commune ? Alors un jour, à l’unanimité, le conseil municipal demande à l’inspecteur d’académie la fermeture de l’école. Monsieur le maire est content, son village va bien !
Mais ça ne suffit pas. Il trouve que son village manque de quelque chose, peut-être de justice sociale ? Lui qui habite une grosse maison bourgeoise voit bien que toutes ces familles ont l’air heureuses dans leurs yourtes. Alors, par une matinée humide et froide de l’hiver, il leur envoie un huissier pour leur signifier leur illégalité.
C’est le début d’une grande confrontation entre le conseil municipal et les familles mises au banc de la société avec leurs enfants.

Avril 2009, M. Barrière découvre que des milliers de personnes ont compris ses vilaines machinations et soutiennent les familles en yourtes, des élu.e.s de tous bords se signalent en soutien. Une population très diverse vient manifester et les médias se font l’écho de cette étrange confrontation.
L’autorité de l’Etat, en la personne de M. Hamon, sous-préfet de Bellac, se déplace pour une médiation. Il conclut à une régularisation des yourtes, leur cadastrage et le paiement d’une taxe d’habitation.

2010 - 2011  : Barrière amorce son projet de « zone tampon ». S’appuyant sur l’annexion des terrains communs du Grand Pic par la commune, il fait voter par son conseil municipal la vente d’une parcelle à son premier adjoint, M. Bissirier. Suite à l’intervention du sous-préfet de Bellac, la vente est arrêtée.
Le temps passe, M. Barrière et son équipe, tellement occupés à travailler pour le bien être de leur village, oublient les accords passés, enlève la taxe d’habitation et portent plainte contre les yourtes, en avril 2011.

Et une petite tarte !

27 janvier 2011 : un remake de l’arroseur arrosé se joue à Bellac. Barrière se fait entarter devant 300 personnes lors du débat qui suit la projection en avant première du film de Suzanne Chupin, Les Yourtes de la discorde. On remarquera au passage les rictus méprisants de Barrière lors de son interpellation par des opposants et juste avant son entartage. Un grand moment de télé vérité, à voir dans cette vidéo :

Le 13 novembre 2012, le tribunal de Limoges juge les familles. Il semble que pour l’édile de Bussière, l’idéal qu’il défend serait une commune sans jeunes, sans enfants, sans familles. Un Bussière-Boffy transformé en cimetière, celui des vies qu’il tente d’enterrer.
Les quelques conseillers présents sont fiers dans la salle d’audience du tribunal. Les journalistes sont là. Il est 8h30 du matin. Dehors il fait froid. Il fait aussi froid dans le cœur des prévenus.
Mardi 11 décembre, la bonne nouvelle tombe. Les habitants des yourtes sont relaxés. Une fois de plus la justice désavoue Barrière et son conseil mais le parquet fait appel

Vendredi 17 mai 2013, l’affaire et jugée en appel, à Limoges. Le parquet requière le démontage des yourtes avec 75 euros d’astreinte par jour de retard et 500 euros d’amende. Le 14 juin suivant, la cour d’appel rend son jugement. Elle suit les réquisitions du parquet. Dans la longue bataille judiciaire qui oppose depuis 2009 les habitants des yourtes au maire de la commune, c’est la première fois que la justice va à l’encontre des familles.
Rappel :
• Février 2009 : le maire est condamné par le Tribunal d’instance de Limoges à inscrire 3 habitants des yourtes sur les listes électorales de la commune.
• Avril 2009 : un habitant des yourtes est relaxé au Tribunal correctionnel de Limoges, suite à une plainte du maire.
• Septembre 2011 : 2 arrêtés municipaux interdisant le camping sur la commune, sont annulés par le Tribunal administratif de Limoges pour abus de pouvoir.
• Juin 2012 : un 3e arrêté interdisant le camping est suspendu par le Tribunal administratif pour atteinte aux libertés.
• Décembre 2012 : le tribunal correctionnel de Limoges relaxe les habitants des yourtes poursuivies pour « infraction au code de l’urbanisme »
• Février 2014 : le tribunal administratif de Limoges annule partiellement deux arrêtés de Barrière interdisant le camping sur les terrains où sont situées les yourtes. Cette fois-ci Barrière invoque l’accès aux services de secours en cas d’incendie ! Dans une déclaration à France 3, il annonce qu’il va prendre un nouvel arrêté.
Barrière est soit un délinquant administratif, soit il est incompétent dans le domaine juridique, ce qui pose bien problème. C’est bien sûr la commune (et donc les habitants) qui supporte financièrement le coût des procédures. Mais bon, la nouvelle entité de Val d’Issoire (fusion des communes de Bussière et de Mézières- sur-Issoire) a accepté de reprendre les dettes de Bussière en guise de bienvenue au club.
Les prévenus contestent le jugement de la cour d’appel et se pourvoient en cassation. Celle-ci casse le jugement de la cour d’appel de Limoges et renvoie l’affaire à la cour d’appel de Bordeaux.

2013 : Barrière attaque par un autre angle pour réaliser sa zone tampon : il envoie deux camions déverser des gravats sur une des mares des terrains communs du Grand Pic. Les voisins s’interposent et évitent que la marre soit comblée.

Juillet 2014 : Barrière franchit un peu plus les limites de l’ignoble. Il ne respecte même pas le deuil d’une famille, lors des obsèques d’un habitant de la commune. Il fait fermer le cimetière pour empêcher les proches de se recueillir et déclare au Populaire que le cimetière n’est pas un dépôt d’ordures. Après le décès d’un homme de quarante ans résidant à Bussière-Boffy sa famille a souhaité lui rendre un dernier hommage au cimetière du village. Une cérémonie qui n’était pas du goût du maire qui s’est lancé dans un nouveau conflit. [1]

Victoire amère

Le 12 janvier 2016, la cour d’appel de Bordeaux confirme la relaxe des prévenus prononcée par le tribunal de grande instance de Limoges. Elle désavoue ainsi la cour d’appel de Limoges. Mais de guerre lasse, les habitants des yourtes sont partis, épuisés par la multiplication des recours de l’extrémiste Barrière.

2016 : retour à la zone tampon. Le cantonnier de la commune déverse un camion de gravats dans la deuxième marres (des matières plastiques, du goudron, des morceaux de ferraille). Gravats qui sont encore visibles. Les voisins s’opposent à cette action et construisent une barrière de protection de la marre.

17 mars 2017 : le tribunal administratif annule le plan d’urbanisme (PLU) de Bussière-Boffy. Dans son jugement il écrit que le maire de l’époque, Jean-Paul Barrière, a « usé de pouvoirs de police d’urbanisme… pour un objet autre à raison desquels il lui était confiés ».
2017 : les habitants du Grand et du Petit Pic se manifestent. Ils signent une pétition pour que ce lieu conserve ses caractéristiques de bien commun et d’espace naturel.

Septembre 2017 : le GMHL (Groupement mammalogique et herpétologique du Limousin) classe sur le site plusieurs espèces animales protégées comme la rainette arboricole. Il est alors interdit de détruire son milieu aquatique. La zone tampon prend l’eau.
Qu’à cela ne tienne, Barrière contre-attaque et fait voter la vente d’une parcelle à la femme de son premier adjoint, M. Bissirier. Des habitants des Grand et Petit Pic rencontrent la sous-préfète de Bellac qui prône de régler le conflit par une négociation à l’amiable.

9 février 2018 : en guise de négociations à l’amiable, M. Barrière et Bissirier se rendent sur les lieux avec deux géomètres, et deux voitures de gendarmerie en protection et posent des bornes qui délimitent la parcelle à vendre. Face à eux les voisins manifestent leur désaccord.
Au final M. Barrière, malgré tous les jugements, malgré certains engagements, a réussi à faire partir les habitants des yourtes et à présent il constitue lentement mais sûrement sa zone tampon, vis-à-vis d’autres habitants.


P.-S.

Pour aller plus loin, quelques liens avec des articles développés dans la presse :
Les yourtes de la discorde
par Charlotte Mathivet 14 décembre 2012
« (…) Dans un petit village du Limousin, un maire multiplie les procès contre trois familles. Leur délit présumé : habiter dans des yourtes pour expérimenter un mode de vie davantage écologique et solidaire. Un choix qui ne plaît pas. (…)
https://www.bastamag.net/Les-yourtes-de-la-discorde

Mobilisation pour sauver les yourtes
Eva Sala
Lundi, 5 Novembre, 2012
L’Humanité
Chant, jonglerie, accordéon, danses, le rassemblement pacifiste qui a déambulé dans les rues de Limoges, samedi, avait un air de fête. De résistance aussi puisqu’il s’agissait de manifester contre la politique d’exclusion menée depuis 2006 par la municipalité de Bussière-Boffy contre trois yourtes installées sur la commune. «  Elles sont sur des terrains dont nous sommes propriétaires, explique Sara Chaunet, qui y vit avec son mari et ses enfants. Elles étaient là avant l’élection de l’actuel maire du village et jamais nous n’avions été ainsi stigmatisés.  »
https://www.humanite.fr/societe/mobilisation-pour-sauver-les-yourtes-507782

L’acharnement du maire n’a pas eu raison des habitants des yourtes
jeudi 14 mai 2009, par Courant Alternatif
« (…) A Tarnac, l’Etat a utilisé l’arme judiciaire pour tenter d’éradiquer la communauté des Goutailloux, avec des conséquences dramatiques puisque Julien Coupat est toujours détenu et les huit autres inculpés sont toujours sous contrôle judiciaire, assignés à résidence et, de facto, isolés les uns des autres et de leurs amis. A Bussière Boffy, le maire (représentant de l’Etat) a utilisé une arme plus silencieuse et moins spectaculaire, celle de la procédure administrative afin de tenter d’éradiquer les habitants de cinq yourtes installées sur des terrains dont ils sont propriétaires. (…) »
http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article558

La guerre des yourtes
Depuis cinq ans, le maire d’un village du Limousin s’oppose à des « néoruraux » installés dans des tentes importées de Mongolie. Deux modes de vie s’affrontent.
LE MONDE | 20.05.2013 à 18h54 • Mis à jour le 25.06.2013 à 15h32 | Par Frédéric Potet

http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/05/20/la-guerre-des-yourtes_3389163_3224.html
18 avril 2009
« (…) depuis plusieurs mois, c’est le bras de fer entre les habitants des yourtes et le maire. En 2008, celui-ci a fait voter une carte communale qui ne tient pas compte du secteur des habitants des yourtes. Selon l’édile, les habitations sont sur un terrain agricole, mais non constructible. Lors de la modification de la carte communale, le commissaire enquêteur avait pourtant noté « une forte demande d’un groupe de personnes ne semble pas avoir été pris en compte dans le projet de carte communale ».
« Harcèlement ». Les habitants des yourtes vivent mal ce qu’ils nomment « le harcèlement » du maire. Ils ont déjà reçu la visite de l’huissier. Les gendarmes survolent leur terrain deux fois l’an en rase-mottes par hélicoptère.
http://www.liberation.fr/societe/2009/04/18/les-yourtes-sommees-de-degager-le-terrain_553390