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Les armes d’Israël : des larmes de sang palestiennes

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Vendredi 31 mai, entendre sur les ondes qu’« il n’y aura aucun stand de l’industrie de défense israélienne au salon mondial de l’armement Eurosatory 2024 » a dû réjouir le collectif [1] d’associations et de syndicats qui mènent campagne, depuis mars, pour qu’aucun des exposants israéliens, invités par la France, ne participent à ce salon de l’industrie mortifère.

Le président Macron s’est réveillé à quelques jours des élections européennes. Il s’était dit « indigné » par le bombardement, le 26 mai, d’un camp de déplacé·es de Rafah. Il était temps en ce qui concerne l’indignation…
Dans la lancée de ses déclarations, à quand celle où la France rejoindra la Bulgarie, Chypre, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Suède et depuis le 28 mai l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, pour la reconnaissance de l’État palestinien ? Peut-être faut-il encore un énième bombardement grossissant le nombre de victimes qui rendrait le « bilan humain intolérable » au chef des armées.

Cette décision concernant Eurosatory est réjouissante, notamment pour les Palestinien·es. Mais, c’est toute la machine de guerre qu’il faudrait arrêter : production et commercialisation. Car qui fabrique des armes, les exporte, qui importe des armes, les utilise et vice-versa. Puis, tout ce monde de cyniques se congratule lors des salons comme Eurosatory, Milipol (voir PJ) sans oublier Euronaval et le salon aéronautique du Bourget.

Quant au Code de conduite européen fixant des règles de contrôle sur l’exportation d’armements, le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits [2] est très souvent plus que perplexe sur son respect par les pays. En ce qui concerne Israël, dans le rapport de 1998 Ventes d’armes de la France par l’Observatoire des transferts d’armements, il était déjà spécifié : «  Le manque de respect des droits humains en Israël est en contradiction avec le deuxième critère du Code de conduite. La persistance, dans ce pays, avec les Palestiniens et les tensions avec ses voisins mettent les États européens en contradiction avec le troisième et quatrième critère du Code de conduite. »
L’observation écrite, dans le rapport de 2001, était prémonitoire : « L’inégalité politique, économique et sociale très forte des communautés en présence ne peut que nourrir l’exaspération du peuple palestinien privé d’avenir. »

La politique capitaliste et libérale d’un gouvernement ne peut se passer du commerce des armes pour maintenir son pouvoir dans son pays, pour poursuivre sa politique colonialiste, pour soutenir un « pays ami ». C’est pourquoi, les conséquences des utilisations d’armes sur les populations ne pèsent aucunement dans la balance. Quitte, pour gommer la réalité des faits et endormir une certaine partie de la population à utiliser des termes plus doux tels que : « armes non létales pour le maintien de l’ordre », « frappes pour se défendre », « frappes chirurgicales », « enjeux économiques »...
Cocorico : la France est passée, en 2023, d’un montant de 11,7 milliards de prises de commandes en 2021 à 27 milliards passant ainsi, loin derrière les États Unis, à la seconde place devant la Russie. Par ordre alphabétique, voici les heureux bénéficiaires de ce marché juteux : Airbus, Arquus, Dassault, Naval Group, Nexter, Safran, Thalès.

Le petit commerce

États-Unis : d’après Manière de voir du Monde diplomatique de février 2024 : « Plus de 124 milliards de dollars pour le volet militaire entre 1948 et jusqu’au début de l’année 2023 ont été versés par l’administration américaine.
Dès le début de l’offensive à Gaza, les États-Unis ont apporté un soutien sans faille à l’armée israélienne par un ravitaillement en bombes et en obus d’artillerie.
Dans les deux premiers mois, après le 7 octobre, 57 000 obus d’artillerie et 15 000 bombes ont été livrées dont plus de 5 400 BLU-117 et 100 BLU-109 ; des projectiles de près d’une tonne chacun.
Au 25 décembre, Israël avait reçu 244 livraisons d’armement par avions-cargos, auxquelles se sont ajoutées 20 livraisons par navires. »

Allemagne : selon Le Monde du 22 mars, l’Allemagne, deuxième fournisseur d’Israël, représentait 30 % de ses importations d’armes entre 2013 et 2022, mais les autorisations de livraison ont été multipliées par dix entre 2022 et 2023, et la majeure partie de cette hausse spectaculaire a eu lieu après le 7 octobre.

La France, une blanche colombe ?

Le rapport annuel sur les exportations d’armes du ministère des armées, publié en juillet 2023, assure que la France ne fournit pas d’armes « létales » à Israël, mais dit lui livrer seulement de quoi « assurer sa défense ».
Toujours d’après ce rapport, l’Hexagone a vendu pour 208 millions d’euros de matériel militaire à l’État hébreu depuis 2013, dont 25,6 millions en 2022, ce qui représente 0,2 % du total des exportations de la France cette année-là. À cela s’ajoutent près de 9 millions d’euros d’autorisations d’exportation d’armes de catégorie militaire ML4 (bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs, et matériel et accessoires connexes).
Ce que ne dit pas le rapport c’est que la plupart des entreprises d’armement françaises développent de nombreux partenariats avec Israël et ses entreprises d’armement. Sans oublier la vente du « matériel à double usage » : des produits présentés comme ayant un usage civil, mais qui peuvent et sont aussi utilisés de façon militaire.

Les récents massacres dans la bande de Gaza ont incité des militant·es, ainsi que des médias indépendants, à se pencher sur les différents groupes industriels français qui collaborent au génocide perpétré par la politique sioniste d’Israël. Par des livraisons d’armes et/ou de pièces détachées et par des transferts de technologies militaires.
Sur le site de l’Union juive française pour la paix (UJFP) est publiée la brochure [3] Guide des entreprises d’armement complices d’Israël, réalisée par le collectif « Stop arming Israël France ». Fruit d’un travail précieux, très documenté,ce guide détaille toutes les entreprises complices, avec des fiches synthétiques, des sources, etc. Ce travail est aussi disponible sous forme de carte sur le site Basta [4] ! Le préambule se termine par : « Allons à la rencontre des travailleurs des secteurs concernés et de leurs syndicats, organisons-nous collectivement, arrêtons définitivement d’armer Israël. »

Une complicité française historique

➠ De 1948 à 1969, la France était devenue le principal fournisseur d’armement de l’État d’Israël.
➠ Grâce à la France, l’État hébreu accède, en 1967, à la puissance nucléaire. Il possède toute la gamme des vecteurs pouvant délivrer une arme nucléaire : des bombardiers F15 et F16, des missiles sol-sol Jericho, développés à partir d’un engin fourni par Dassault, et sans doute des sous-marins capables de tirer des missiles de croisière. Israël est l’un des quatre pays à disposer de l’arme nucléaire sans avoir signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires [5].
➠ Comment contourner un embargo ? Grâce à la France. Exemple : après la guerre des Six-Jours en 1967, Israël attaque le Liban. De Gaulle prononce un embargo total sur les armes à destination d’Israël. La livraison de 50 bombardiers Mirage 5 produits par Dassault est bloquée. Mais, il n’est pas interdit aux entreprises françaises l’envoi de pièces détachées et de rechanges prévu par des contrats antérieurs. De fait, une copie exacte du Mirage 5 sera réalisée par Israël au début des années 1970 : l’IAI Nesher.
1974 : fin de l’embargo sur les ventes d’armes à Israël.

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Arrêtez d’armer Israël

Disclose et Marsactu, après enquête [6] révèlent que des composants de munitions pour mitrailleuses fabriqués par Eurolinks, une société marseillaise spécialisée dans la fabrication d’équipements militaires, ont été exportés en Israël, en octobre 2023, alors que la guerre avait commencé à Gaza. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, déclare qu’il s’agit de composants utilisés de façon défensive, pour « des missiles du Dôme de fer », du nom du système de défense israélien conçu pour intercepter les roquettes tirées depuis Gaza et le Liban. Le matériel exporté par la France en Israël ne serait donc pas utilisé dans l’offensive israélienne…

Le 8 avril 2024, 11 associations attaquent l’État français devant le tribunal administratif, à la suite des révélations de Disclose sur la livraison en Israël des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie). Une démarche inédite en matière de commerce des armes. Le tribunal administratif de Paris a rejeté successivement les trois requêtes. Motif invoqué «  les licences d’exportation ne seraient pas des actes administratifs, mais des décisions politiques liées à la conduite des relations internationales de la France. »

Au niveau international, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a officiellement demandé le vendredi 5 avril l’arrêt des ventes d’armes à Israël. La France s’est abstenue lors du vote. 

La déclaration de Jean-Claude Samouiller, président de la branche française d’Amnesty International, lors du « débarquement » de Joe Biden le 6 juin dernier en Normandie, d’exiger de Macron et de Biden un embargo sur l’envoi d’armes et de tout équipement militaire au gouvernement israélien, peut faire sourire les antimilitaristes et pacifistes intégraux. Cette déclaration fait référence aux conventions de Genève qui obligent les États à respecter la vie des civils en temps de guerre, dit « Le droit de la guerre ».
Mais au moins cet embargo total permettrait, peut-être, que le peuple palestinien ne soit pas inscrit sur la funeste liste des peuples, des minorités massacrés, disparus : Amérindiens, Inuits, Ouïghours...
La Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Japon, et les Pays-Bas ont mis un terme aux ventes d’armes et à l’aide militaire à Israël. La France, qui vire à l’extrême droite, toujours pas.
En attendant un hypothétique « Cessez-le-feu immédiat », les bombes pleuvent sur les civils et les criminels de guerre gouvernent.

À quand l’application universel du
« Plus jamais ça ! » .



Notes

[1Action Sécurité Éthique républicaines (Aser), Stop Arming Israel, Urgence Palestine, Association France Palestine Solidarité et des syndicats palestiniens :
https://laboursolidarity.org/fr/racisme-et-anticolonialisme/n/2913/appel-urgent-des-syndicats-palestiniens--mettez-fin-a-toute-complicite-arretez-d039armer-israel
Les mobilisations se poursuivent pour l’arrêt total de tout commerce d’armement avec Israël.

[2Créé en 1984, le CDRPC est un des principaux centre d’expertise français indépendant qui effectue des recherches et diffuse de l’information sur les questions de défense et de sécurité (les thèmes : élimination des armes nucléaires, contrôle des transfert d’armes de la France et les mouvements de résistance aux guerres).
https://www.obsarm.info/

[5Le traité de non prolifération, téléchargeable sur : https://www.iaea.org/sites/default/files/27203592932_fr.pdf