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Petit retour sur la Fête des vingt ans de Creuse-Citron et des dix ans de Stop Mines 23

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20 ans à se creuser le citron, et 10 de luttes contre les projets miniers et extractivistes : ça se fête, non ?

Nous avons fêté les 11 et 12 octobre dernier, au Fabuleux Destin à Aubusson et aux Martinats à Boussac-Bourg, les 20 ans de ce fantastique journal que vous êtes en train de dévorer, et les 10 ans de l’association Stop Mines 23. Un anniversaire au goût un peu amer pourrait-on penser, car, si nous sommes ravis, voire même carrément fiers, que Creuse-Citron entame sa troisième décennie, nous l’avons tout de même un peu en travers, d’être toujours là, 10 ans plus tard avec Stop Mines à rabâcher les mêmes choses sans qu’elles ne soient entendues ni par les pouvoirs publics, encore moins par les industriels – qui rêvent toujours de transformer le monde en gruyère, et pas même par une certaine partie de la population, qui ne lit pas assez Creuse-Citron, c’est certain. Car si c’est un hasard de calendrier qui fit naître les deux entités à 10 ans pile poil d’intervalle, ce n’en est pas un que Creuse-Citron ait toujours relayé les infos de Stop Mines, voire les ait même devancées. Je me souviens que c’est en feuilletant ses pages, un beau jour d’hiver 2013, que j’ai appris, horrifiée, qu’un projet minier se tramait tranquillement du côté de Lussat. Je n’y connaissais pas grand-chose côté mines, mais j’étais déjà certaine d’être contre. Faire de grands trous dégueulasses pour en extraire de l’or et « autres substances connexes », ça sentait l’embrouille, et les polluants, si n’est éternels, du moins vachement tenaces... Il y avait je crois un contact, ou peut-être un rendez-vous pour une réunion. C’était parti, Stop Mines était en gestation !

Ces deux journées et soirées ont été ponctuées de bien beaux moments, pas du tout amers. Comment aurait-il pu en être autrement ? C’est qu’au fil des ans on a fait de superbes rencontres, on a tissé des liens les uns et les unes avec les autres, et avec tout un tas de gens aux quatre coins de la France et même du monde. On s’est rappelé que dès le début de la lutte contre le projet minier de Villeranges, nous avions rencontré des collectifs et associations, hommes et femmes en lutte, d’un peu peu partout : Rouez-Environnement en Sarthe et Mayenne, Douar Di Doull, ou Alternatives Projets Miniers, en Bretagne, Stop Mines Salau, dans les Pyrénées... mais aussi Aldeah qui lutte contre l’extractivisme en général, à travers le monde, et notamment en Amérique latine (Argentine, Mexique...), les collectifs et associations à l’initiative des campagne Salvati Rosia Montana, contre le méga-projet minier de Rosia Montana dans les Carpates, en Roumanie... Nous avons participé à la campagne européenne Bang Ban Cyanid (contre l’utilisation du cyanure dans l’exploitation minière), à leur côté et aux côtés de tant d’autres, à des rencontres nationales et internationales contre les « Grands Projets Inutiles et Imposés », en France, mais aussi en Roumanie, à Rosia Montana justement, soutenu des luttes contre l’accaparement et l’artificialisation des terres sur les Zad de Sivens, Notre-Dame-des-Landes... Nous avons organisé plusieurs festivals en Creuse qui ont rassemblé des locaux et des « extra-territoriaux », de France, du Mexique, de Roumanie... Il y a du beau et du bon dans la lutte. Nous avons élargi nos horizons, créé des ponts entre nos revendications pour en dessiner de plus grandes : changer de système, changer de paradigme. Nos luttes sont anti-extractivistes, donc anticapitalistes, et aussi anti-autoritaires, antifascistes, anti-racistes, écologistes, féministes... « Anti-tout » diront certaines mauvaises langues. Et pourquoi pas ? Si tout est pourri, changeons tout ! Et puis, nous sommes aussi pour des tas de choses : « Pour des forêts vivantes », par exemple. Pour la justice sociale. Pour un accueil digne et inconditionnel des réfugiés. Pour une société libre, juste, égalitaire... bref, libertaire. Et voilà, le lien entre Stop Mines et Creuse-Citron n’est plus à faire.

Au cours de ces 20 années, les visages et les plumes ont pu changer dans le journal, mais la ligne éditorial est restée fidèle à elle-même. Peut-être un peu moins anticléricale, mais toujours anti-autoritaire, et libertaire. Depuis quelques années l’écologie a pris une plus grande place dans ses pages. Et avec elle la critique de la société de surconsommation et de surproduction dans laquelle nous vivons tant bien que mal. Une société totalement inféodée à la « science » et au « progrès », comme à une nouvelle religion, qui nous enferme dans son cercle vicieux, et nous entraîne dans sa course folle droit à la catastrophe, ou plutôt aux catastrophes : écologiques, sociales, politiques... Finalement, on n’est pas tellement loin de l’anticléricalisme des débuts du journal. Mais revenons à la fête.

Voir toutes les unes du journal depuis le tout premier numéro, c’était quelque chose d’émouvant. On pouvait voir l’évolution graphique sur vingt ans, résumée sur quelques panneaux accrochés aux murs. Depuis peu d’ailleurs, l’équipe accueille une nouvelle membre, graphiste-plasticienne et autrice, qui donne au journal un nouvel élan graphique, dont vous avez pu voir et lire quelques œuvres dans les derniers numéros (la une du n° 80, Mag aubontemps, c’est elle !).

On aura bien parlé au cours de ces 48 heures. On a refait le monde en AG, avec Stop Mines 23, samedi matin, et puis encore lors de la table ronde l’après-midi. Le théâtre était plein. Ça faisait chaud au cœur. On a beaucoup parlé lithium. Et donc forcément « transition écologique et énergétique », ou plutôt de l’arnaque à la transition... Pour contrecarrer ce mensonge, il va falloir envisager la lutte sous son angle anticapitaliste. On l’aura répété à souhait, comme une prière, un mantra. Et si à force de le penser très fort, advenaient enfin les jours meilleurs ? Sinon, il restera toujours la solution de la bonne vieille révolution. Mais c’est un peu lassant, tant de bruit et de sang, pour en revenir au même point ou presque, systématiquement. Serons-nous capables un jour d’évolution ?

On a beaucoup parlé. Pendant les réunions, et aussi après. On a pris quelques décisions, nous nous sommes donnés de prochains rendez-vous. Nous avons resserré des liens qui s’étaient peut-être légèrement distendus depuis que le projet de Villeranges est tombé dans les oubliettes il y a quelques années, quand le permis de recherche n’a tout simplement pas été renouvelé, et que la Cominor a été dissoute... On a évoqué Échassière, avec Stop Mines 03, forcément. « Le » plus grand projet de mine de lithium d’Europe, tout récemment « labellisé » « Projet d’Intérêt National Majeur » , qui occupe toutes les actualités, car, pour le pouvoir, le lithium c’est central, essentiel, vital, plus que l’eau potable même... Et il est tout près. Mais ça pourrait être encore plus près, car du lithium, il y en a dans tout le Massif central, et un filon passe à Soumans, en Creuse. Stop Mines 23 a décidément encore de beaux jours devant elle, il est encore temps d’adhérer si ce n’est déjà fait ! Mais qu’ils soient ici ou ailleurs, s’il y a une chose apparue comme évidente depuis toutes ces années, c’est que tous ces projets sont liés et participent d’une même politique globale. Mais ce n’est pas le lieu adéquat pour parler stratégie, revenons-en une fois encore à la fête, car c’était un anniversaire et nous l’avons dignement fêté, en musique et en poésie.

Nous nous sommes évadés du côté des racines du blues et du jazz, avec même un tour au pays du flamenco avec Swing Guitares Swing, nous avons vibré sur les textes et poèmes déclamés par le Théâtre d’Or, nous avons chanté les luttes d’hier et d’aujourd’hui avec La Dissonante, hurlé notre rêvolte avec Sang Conteste, libéré nos chakras avec Relimoe, enfin relâché toute notre énergie bouillonnante de contestataires et d’utopistes enragés sur les rythmes trad-trances et le son profondément ancré à la Terre du didgeridoo de Fly Carpet.

Un autre monde est possible. Nous sommes quelques uns et quelques unes à y croire, envers et contre tout, ici, comme partout, sinon, nous ne serions plus là, à manifester, à chanter, à jouer, ou à écrire ces lignes et tant d’autres, pour ce qu’elles valent. À tous ceux qui luttent, qui ont lutté et qui lutteront pour des lendemains qui chantent !

(Edito de Creuse-Citron n°82)



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