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[1/3] L’autoroute Limoges-Nantes : la naissance d’un grand projet néfaste

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Cet article constitue la première partie d’un article qui sera diffusé en 3 parties.

Un projet de dédoublement de la RN147 (Limoges-Poitiers) ne va pas suffisamment vite au goût d’un certain nombre de patrons. Ils se sont donc mis en tête de construire une autoroute pour relier Limoges à Nantes : l’autoroute 147. C’est la mode, de la loi travail aux aménagements du territoire, les patrons décident officiellement et les politiques les suivent allègrement. En tête de ligne du projet, Pierre Massy président de la Chambre de Commerce et d’Industrie mais également Thierry Debourg, président du Medef de Haute-Vienne.

Pierre Massy, en plus de son statut à la CCI est également gérant de Massy Travaux Publics, d’une société de holding (Massy Invest) ou d’entreprises dans l’immobilier (Vienna et SCI Massy La Plaine). Autrement dit une personne qui n’aurait donc aucun intérêt financier à la construction d’une autoroute... Ce projet, qu’il défend dans toutes les instances politiques et économiques du département, il a des intérêts personnels à le défendre. Mais c’est aussi un projet idéologique, un projet basé sur le mythe de la croissance économique et de la priorité au patronat. Selon la CCI, « 60 % d’entre eux (sur 700 réponses) considèrent que la réalisation d’une autoroute concédée entre Limoges et Poitiers est la priorité numéro 1 » [1] Ils ont donc monté une association, Unis pour entreprendre [2] : « Un collectif de chefs d’entreprises de la Haute-Vienne, des syndicats patronaux, des fédérations professionnelles [...] leur objectif : le désenclavement du territoire pour son développement. » S’inspirant peut-être du groupuscule patronal Des ailes pour l’ouest qui militait pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ils ont donc créé un groupe à but de lobbying pour faire valoir leurs intérêts, notamment économiques. Leur nom sonne parfaitement dans l’ère du temps macronniste, la seule valeur, la seule liberté qui vaille c’est celle de l’entreprise.

L’arnaque de l’enclavement du territoire

Le premier argument pour la réalisation d’une autoroute serait l’enclavement du territoire. Bien sûr le fait de faire passer la Haute-Vienne, traversée par une autoroute gratuite et une 2x2 voies presque entière jusqu’à Bordeaux, comme un territoire enclavé est un peu fort. Alors, le plus souvent, les défenseurs de l’autoroute nous parlent de l’enclavement supposé du Nord du département. Évidemment, selon eux un département se doit d’être traversé par des autoroutes payantes en tous sens. En réalité, il y a fort à parier que seul quelques grosses entreprises de Limoges bénéficieraient de cette autoroute. Les plus grands perdants seraient bien entendu les riverains qui ne pourront profiter de l’autoroute qu’à condition de payer mais en revanche qui en subiraient toutes les nuisances. Mais Pierre Massy n’a peur de rien et il est allé directement vendre son projet à Bellac.

Quand je suis venu à Bellac il y a un an et demi lors de ma campagne pour les élections à la CCI, un problème revenait inlassablement : la RN 147 et l’enclavement routier pour les chefs d’entreprise, les commerçants, les étudiants, et les habitants de tout le nord de la Haute-Vienne.

Pour des élections à la CCI, Pierre Massy n’a pas du rencontrer beaucoup d’étudiants ou d’habitants autres que des patrons. Il fait donc passer leur parole, ou celle d’une partie d’entre eux, pour celle de toute la population. Tout comme il fait passer leurs intérêts pour l’intérêt général. Pourtant, Bellac subit déjà un trafic routier très fort : Selon la DREAL 11 500 véhicules/jour dont 19 % de poids lourds (soit 2 185 poids lourds) au niveau de la sortie de Bellac. Tout ça pour quel bénéfice à la population et quels nuisances ? Mais les militants de l’autoroute voudrait nous faire croire qu’une autoroute, payante, ramènerait du monde et de la vie à Bellac. Pourtant on sait bien que les automobilistes ne s’arrêtent presque que sur les aires d’autoroutes dédiées. Qui pensera vraiment que l’autoroute profiterait aux habitant·e·s pour leurs déplacements d’autant plus que celle-ci risque d’avoir un prix exorbitant ?

« Juste des terrains en jachère »

Mais l’association Unis pour entreprendre et son plus vif représentant, Pierre Massy, semblent en réalité être plein de désintérêt pour les personnes qui vivent dans le Nord de la Haute-Vienne :

Le coût total [de l’autoroute] avoisine les 800 à 900 M€. La topographie est simple puisque la route est plate, juste vallonnée. Il n’y a pas de difficulté majeure. Pas d’immeuble, ni d’usine, juste des terrains en jachère. [3]

Le coût économique de l’autoroute semble bien en dessous de la réalité, la CCI estimant elle-même en 2005 qu’il serait de l’ordre de 1 milliard d’euros, évaluation datant de plus de 10 ans... [4] La CCI toujours fait d’ailleurs le parallèle avec l’A 65 qui a coûté 1,2 milliard d’euros pour 150 km et dont le début de construction date de 2008...

Mais surtout si Pierre Massy ne semble pas faire preuve d’un grand intérêt pour le coût de l’autoroute (sûrement moins que pour les bénéfices qu’il peut en espérer) il en a encore moins pour les agriculteurs qui apprécieront qu’une fois de plus les terrains destinés à la production alimentaire ne soient considérés que comme des jachères bétonnables à l’envie. Le monde rural n’est vu que comme une possibilité d’extension des villes et de leurs flux, sans prise en compte des vies qui s’y ancrent.

Le désenclavement du territoire ne signifie en réalité que le fait de relier les grands centres urbains. Et au milieu les campagnes se meurent dans l’indifférence générale. Dans des campagnes bétonnées et autoroutées quelle place pour la vie, l’échange, les rencontres et les habitants si celles-ci ne constituent que la réserve foncière des villes environnantes ? Si elle est traversée en toute part par des sources de pollution et de nuisances diverses ? Quelle place pour l’agriculture dans des campagnes vides et toujours plus dévastées par des projets mortifères, sinon par sa mise au pas à l’industrialisation ? La recrudescence des projets de fermes-usines comme à Saint-Junien-Les-Combes rentre effectivement dans cette logique et n’aura vocation qu’à se multiplier.

Partie 2/3 : Une autoroute pour la sécurité ?