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[2/3] L’autoroute Limoges-Nantes : pour la sécurité ?

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Une association de patrons locaux s’organisent pour la construction d’une autoroute entre Limoges et Nantes en passant par Poitiers. Décorticage de leurs arguments et des conséquences qu’auraient un tel projet. Partie 2/3 : une autoroute pour la sécurité ?

Dans la première partie, nous évoquions comment un ensemble d’organisations patronales de Haute-Vienne s’étaient associées pour pousser à la construction d’une autoroute privée entre Limoges et Nantes. Ceux-ci axent leur premier argumentaire sur le prétendu désenclavement du Nord de la Haute-Vienne. Un des autres principaux arguments avancé pour la construction de cette autoroute est la sécurité..., ce qui leur permet le soutien d’association comme la Fédération des motards en colère 87 [1] qui pourtant argue qu’elle « se reconnaît dans le principes de l’économie sociale, qui placent en son centre les individus et le fonctionnement démocratique, et où le profit n’est pas une finalité » [2]. En accord total donc avec le soutien à une association patronale qui met la pression pour une autoroute au bénéfice de leurs entreprises ! Pourtant qu’en est-il réellement de l’apport en terme de sécurité d’une autoroute supplémentaire en Haute-Vienne ?

L’autoroute payante, entre inégalité et fausse sécurité

La N 147 est présentée comme particulièrement accidentogène. Pourtant, en Haute-Vienne d’après les dernières statistiques disponibles il y a eu 11 accidents de la route mortels en 2016. Seul 5 départements en France métropolitaine ont moins d’accidents mortels sur l’année [3]. Car la dangerosité d’une route ne se mesure pas qu’au nombre d’accidents mais surtout aux conséquences de ceux-ci.

Et c’est là que le choix d’une autoroute, question sécurité est dérangeant. Les réseaux autoroutiers mettent en avant le fait que « le niveau de sécurité sur autoroute est cinq fois supérieur au reste du réseau national » [4]. Pourtant, ils omettent de préciser que les autoroutes ne constituent qu’environ 1 % du réseau routier en France : environ 12 000 km pour plus d’un million de kilomètres de voies diverses (nationales, départementales et communales). Alors que statistiquement en 2016 elles représentent 7,7 % des accidents sur les routes (270 morts sur autoroute pour 3 477 au total). Ainsi, en terme d’accidents mortels, les autoroutes sont près de 8 fois plus dangereuses que le reste du réseau national. Si les accidents sont moins fréquents sur autoroute, les conséquences y sont beaucoup plus graves. De plus, sur la N 147, un des facteurs de danger est la présence d’un grand nombre de poids lourds. Ceux-ci sont mis sur les routes plutôt que par fret par les mêmes patrons qui nous expliquent que la route n’est pas sûre et que grâce à l’autoroute ils pourront en envoyer plus vers Poitiers et Nantes.

De plus, si l’autoroute payante constituerait réellement un apport en terme de sécurité celui-ci serait profondément inégalitaire. L’accès à l’autoroute étant payant seul les plus riches pourront avoir accès aux routes censées être plus sûres. Plutôt que d’aménager les endroits dangereux de la N 147 au profit de tou·te·s, le choix de l’autoroute est donc le choix de l’inégalité de l’accès à la sécurité. Cela d’autant plus que, comme nous le verrons dans la partie 3, l’association Unis pour entreprendre appuie son argumentaire sur l’A 65 qui a été très peu empruntée, même par les poids lourds, en raison de son prix très élevé. Ainsi, la nationale peut rester pleine de circulation et particulièrement accidentogène alors que l’autoroute serait quasi vide pour les personnes qui y auraient accès.

La santé, l’enjeu oublié de la sécurité

Si la sécurité routière est importante ce n’est pas, et de loin, une des premières cause de mortalité en France. Si les accidents de la route sont plus spectaculaires que la mortalité dû à la pollution de l’air, ils sont pourtant de 10 fois moins importants. En effet, la pollution de l’air, responsable de 48 000 morts prématurées par an, serait le troisième facteur de mortalité en France [5]. Les personnes à proximité de la RN 147 subissent déjà suffisamment de trafic routier et les pollutions qui en découlent, celles-ci seront bien sûr aggravées par l’autoroute. L’augmentation de la vitesse de 50 kilomètres par heure et l’augmentation possible du trafic routier, notamment des poids lourds, ferait grimper en flèche la pollution aux alentours du nouvel axe routier.

Pour les habitant·e·s de Bellac comme pour toutes les personnes concernées par le trajet, il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique. Les habitant·e·s proches des axes routiers sont exposé·e·s à « des risques bien plus importants que les habitants éloignés du trafic automobile et des sites industriels. Asthme, maladies cardio-vasculaires, cancers, autisme, voilà quelques problèmes de santé graves qui peuvent survenir. » [6] La pollution ne s’arrête pas aux abords immédiats de l’autoroute mais se diffuse relativement loin dans l’air et également dans les eaux et les sols. Les habitant·e·s du Nord de la Haute-Vienne seraient donc, une fois de plus, les premiers touchés par les impacts négatifs de la construction d’une autoroute qu’on présente comme leur étant bénéfique.

L’autoroute 147 plus sûre que la route nationale ?

Un patron impliqué dans le projet nous explique un peu mieux l’intérêt de cette autoroute. Selon Thierry Dufourcq, directeur de la société Reviplast qui « valorise » des déchets plastiques, « le manque de liaison adapté vers l’Ouest freine le développement économique de l’ex-Limousin, aujourd’hui intégré à la région Nouvelle-Aquitaine. Nous collectons notre matière première dans un rayon de 300 à 400 kilomètres autour de Limoges. On travaille facilement sur Bordeaux, Châteauroux, Clermont-Ferrand, Paris mais on travaille très peu sur Poitiers et au-delà tout l’Ouest parce qu’on n’a pas de transporteur qui veulent y aller, sinon à un prix exorbitant », souligne le chef d’entreprise. [7]

Il y a là évidemment la plus grande raison de leur volonté de construire une autoroute. Il ne s’agit ni de désenclaver ni d’améliorer la sécurité. Les impacts d’une autoroute ont toutes les chances d’être même exactement l’inverse, pour le profit de quelques-uns... et aux dépends de beaucoup d’autres.

Partie 3/3 à venir.