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Malfaiteurs de tout l’pays... défendons-nous !

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Dix ans après l’échec du storytelling grossier lancé par l’État à Tarnac, les « coups de filet » au cours desquels des hordes de policiers interviennent pour interpeller des « éléments subversifs » directement à leur domicile se sont à la fois banalisés et adaptés. Plusieurs opérations similaires ont eu lieu dans la seule année passée à Bure (Meuse), Roybon (Isère), Saint­-Victor et Melvieu (Aveyron), mais aussi à Toulouse et Limoges. Ces interventions sont à chaque fois l’occasion de distiller à l’attention de la population et des médias une « com’ » calibrée visant à étouffer dans l’œuf toute velléité de réaction défensive... avec malheureusement un certain succès.

Alors que la Montagne limousine connaît un certain regain d’agitation, nous pensons qu’il est vital de partager dès maintenant des récits et des techniques de défense à même de désamorcer ces stratégies d’écrasement et de stigmatisation.

Inventaire non exhaustif :

2016-­2017  : des arrestations opérées dans le cadre de l’opposition à la « loi Travail » révèlent l’existence d’une instruction pour « association de malfaiteurs » depuis des manifestations non déclarées au moment de la COP 21 (novembre 2015). En 2017, les éléments judiciaires de la répression des mouvements de rue du printemps permettront d’apprendre que cette instruction est toujours en cours.

Septembre 2017 : plusieurs dizaines de policiers interviennent à Bure et dans ses environs aux domiciles de diverses personnes investies dans l’opposition au centre d’enfouissement de déchets nucléaires de l’ANDRA. Interpellations, gardes­ à­ vue, mise au jour d’une instruction pour « association de malfaiteurs ». C’est toujours au nom de celle­-ci que de nouvelles opérations policières et judiciaires suivront pendant toute l’année 2018.

Janvier 2018 : une armada assistée par hélicoptère intervient dans plusieurs domiciles des opposants au projet de méga­transformateur électrique de Saint­-Victor et Melvieu, en Aveyron. Perquisitions, saisies et gardes­ à­ vue seront accompagnées de démarches visant à interdire de territoire une partie des personnes interpellées.

Juin 2018  : intervention d’une centaine de policiers, également assistés par hélicoptère, à la maison forestière occupée de la ZAD de Roybon. Perquisition et interpellation de trois personnes. Les pandores reviendront au mois d’octobre, à une cinquantaine, mener une nouvelle opération.

27 mars et 28 mars 2018 : perquisitions aux domiciles de plusieurs militants à Limoges et Toulouse soupçonnés d’avoir mené des actions de soutien aux personnes poursuivies pour leur participation au mouvement contre la loi Travail. Trois personnes sont placées en garde­ à­ vue, sous le coup d’une instruction pour « association de malfaiteurs ». L’une d’entre elles est toujours en détention provisoire à Limoges.

Des histoires qui en rappellent d’autres : sans remonter jusqu’en 2008, on peut évoquer l’affaire de la « mousse expansive » à Rennes, avec l’arrestation de vingt personnes soupçonnées de préparer une action de blocage du métro, qui se sont vues par la suite placées sous contrôle judiciaire.

Les faits, la com’, et la contre­-insurrection

Mais parlons un peu des faits : qu’est­-ce qui vaut, et périodiquement, à des militants des quatre coins de la France de se faire interpeller l’arme au poing et saisir leurs effets personnels, avant de subir les habituelles humiliations de la garde­ à­ vue, et ce avant même qu’un quelconque procès se soit tenu ? Le prétexte est presque toujours des dégradations de biens constatées lors de mouvements d’opposition. Mais l’idée de fond semble surtout de donner un bon « coup de pied dans la fourmilière », comme on dit en doctrine contre-­insurrectionnelle : peu importe que l’on sache précisément qui a fait quoi, ou que les faits incriminés confinent parfois au ridicule. L’essentiel est de déstabiliser le plus grand nombre possible de personnes ; et du même coup, au gré des perquisitions, de saisir un maximum de matériel utile à la lutte (ordinateurs, clés USB, téléphones, photocopieurs, dossiers, etc.) et/ou aux services de renseignement (liste de contacts, traces ADN, etc.).

En outre, la différence majeure entre les opérations policières listées ici et celle de Tarnac semble tenir à un élément précis : c’est la prudence avec laquelle les forces répressives construisent désormais leur communication, permettant d’affiner ce que la doctrine qualifie d’ « action psychologique sur la population ». Il s’agit maintenant de la jouer plus fin. On ne parlera plus de terroristes, d’« association de malfaiteurs », ou d’action en « bande organisée ». On ne dénoncera plus des projets de lutte armée et des menées subversives à visée insurrectionnelle, mais seulement des actions précises et ponctuelles justifiant des interventions « ciblées ». Aussi, on aura soin de mener les opérations avec un respect accru de la procédure.

Le résultat de ces évolutions stratégiques saute aux yeux : où sont les dizaines de comités de soutien révoltés par le harcèlement répressif à Bure, alors qu’il s’agit du plus grand projet industriel d’Europe ? Qui a entendu parler des interventions policières violentes et démesurées en Aveyron ou à Roybon ? Qui sait qu’une personne est en détention provisoire depuis plus de sept mois à la maison d’arrêt de Limoges, soupçonnée sur la seule base d’un travail de profilage, et qu’elle est poursuivie pour une action en bande organisée dans laquelle elle est pour l’instant l’unique auteur présumé ?

Montagne agitée : ne pas rester isolé

Ces derniers mois ont vu renaître une certaine agitation sur la montagne limousine, en particulier dans le cadre des actions de soutien aux réfugiés.
On sait par ailleurs, depuis l’affaire de Tarnac et celle dite du « cadenas », que les yeux et les oreilles de l’État ne peuvent s’empêcher de projeter leurs fantasmes d’arnaques à Tarnac, de castagne à Faux­-la­-Montagne, d’émeutiers à Eymoutiers, et de sioux à Gentioux. Les plus enhardis d’entre nous s’en amusent, mais il en est aussi que cette paranoïa répressive inquiète et laisse démunis

Car il ne fait aucun doute non plus qu’accueillir illégalement des réfugiés, mettre en place des manifestations non déclarées, s’organiser pour intervenir sur nos espaces de vie au mépris de diverses lois iniques, pour ne prendre que quelques exemples, constituent déjà pour l’État aux abois un ensemble de prétextes qui pourraient bientôt l’amener à vouloir « donner un coup de pied dans la fourmilière ». « Zone rouge » parmi d’autres de la surveillance du territoire national, le plateau est un de ces lieux que l’État perçoit comme peuplé d’éléments subversifs à surveiller, et nous ne devons pas douter qu’il affûte déjà ses stratégies de com’ pour le jour où il décidera d’intervenir, un fois de plus, de manière massive et prétendument « ciblée ».

C’est pourquoi il serait peut­-être temps, en réponse à l’appel de Bure, mais aussi en soutien à ceux qui, aux portes du plateau, peuvent rester en prison pendant des mois dans la quasi­-indifférence générale, de dire que sans doute, aux yeux de l’État, nous sommes nous aussi « tous des malfaiteurs »… et de nous organiser en conséquence.

Le 1er décembre à partir de 18 heures, nous proposons donc de nous retrouver pour une soirée de rencontres et d’échanges à Faux-la-Montagne afin de partager et d’affûter nos défenses.
Nous pourrons y entendre les témoignages de personnes ciblées par des opérations à Bure, en Aveyron, et à Toulouse.
Nous pourrons commencer à échanger sur les pratiques les plus à même de nous protéger de ce genre de fables toxiques, pour mieux les retourner au bénéfice des luttes que nous menons.

Quelques montagnard.e.s membres malgré elles.eux
de l’Union intercommunale des associations de malfaiteurs


P.-S.

Ci-joint le tract