Se Connecter

Inscription

Accueil d’Edouard Philippe à Limoges le vendredi 21 décembre 2018

|

D’abord on a reçu ça le jeudi 20, veille de l’évènement ==>

La Coordination des intermittent-e-s et précaires (CIP) s’est mobilisée pour être présente aux côtés des gilets jaunes qui tentaient de s’organiser. Le message est passé à tous les réseaux rapidement mais on a vite compris que les syndicats ne seraient pas de la partie, trop dur de réunir un conseil syndical départemental et de voter une action en quelques heures... Pas grave, quand Stéphane Le Foll est venu à Limoges en septembre 2016, il y avait une compagnie de CRS pour 7 manifestant-e-s [1]... la ville rouge a dû s’endormir dans le berceau de la CGT...

Les militant-e-s décident de profiter de la situation pour improviser une scène de la Brigade anti-intrusion. On prévoit de poser de la rubalise autour de la préfecture et on bouclera le quartier jusqu’à ce que la zone soit sécurisée de tout intru façon NCIS. Là on gueulera au mégaphone :

« Cet homme est recherché, 2e criminel le plus dangereux de France...
Fait partie d’un groupuscule d’extrémistes : LA BAND’A MACRON
Responsables de nombreux délits ! »

Le Premier Ministre viendra rencontrer des maires à Saint-Yrieix-la-Perche le matin, ensuite il mangera à la pref’ et enchaînera à 14 heures chez Emile Roger Lombertie à la mairie de Limoges. On décide de se retrouver à 10 heures le vendredi place Stalingrad devant la pref’ pour mettre en place la scène du crime !

Le vendredi matin, pendant que le Premier Ministre rencontre les maires et se voit offrir une Marianne au gilet jaune en porcelaine de Limoges et autres gâteries, une soixantaine de gilets jaunes se font maintenir à 300 mètre de la mairie de Saint-Yrieix par une compagnie de gendarmes mobiles. 6 gilets jaunes seulement auront droit à la parole dont Lechevallier (qui fait cavalier seul avec son groupe de lepénistes [2]) et la mère retraitée d’une fille du même groupe... et les 4 autres choisis par la com’ gouvernementale. Ils ont d’ailleurs été sélectionnés à la pref’ : ils avaient interdiction totale de parler de certains sujets, nous ont confirmé deux de celles qui sont parties ! Il fallait, en particulier, absolument éviter de parler de la casse des services publics, ne pas parler des hôpitaux !!

D’autres gilets jaunes tentent sans succès d’accéder à la mairie de Limoges stoppés eux aussi par de nombreux gendarmes mobiles, mais la factrice réussit à forcer le barrage !

Les deux premiers qui arrivent à la pref’ vers 10 heures prennent une photo de la pref’ barricadée avec des plaques d’agglo, ils se font mettre un coup de pression direct par deux policiers qui ont peur de voir leurs visages sur les réseaux sociaux [3]. Pour l’instant à part ça c’est calme, les fourgons de CRS arrivent tranquillement, la BAC prend position, les RG en imper noir façon Stasi se postent.

Un groupe d’une quinzaine de militant-e-s se constitue sous la pluie et le regard insistant de la maréchaussée, puis se réfugie sur les marches du Grand Théâtre. Certain-e-s d’entre eux viennent du Pont Neuf où ils/elles ont été délogé-e-s par la police alors qu’ils/elles tentaient une action de blocage avec de beaux fumigènes en prime.

Un groupe de gilets jaunes arrive alors de la mairie, tout le monde prend spontanément position à la pref’. La détermination des gilets jaunes impressionne les militant-e-s aguerri-e-s mais ces drapeaux français... ça fait bizarre. A priori, après discussion avec eux, il n’y a pas de fachos ici bien qu’on sente l’odeur rouge-brune du citoyennisme à la Etienne Chouard...

Alors qu’un groupe d’une soixantaine de personnes occupe maintenant le carrefour de la pref’, les fourgons de CRS déboulent de tous les cotés et deux compagnies encerclent peu à peu le quartier. On mange du saucisson au cochon cul noir de Saint-Yrieix, on chambre les CRS qui ont obtenu 300 balles de prime grâce au mouvement social et on tape du pied pour lutter contre le froid.

200 flics au bas mot pour 60 manifestant-e-s, on se dit que ça doit coûter un pognon de dingue... sans compter la centaine de gendarmes mobiles postée à la mairie.

Les militant-e-s, moitié gilets, moitié autonomes/CIP, font le tour de la pref’ pour se rendre à l’entrée des véhicules d’où devrait sortir le Premier Ministre, après son casse-croûte avec le préfet. Des dépanneuses viennent embarquer les véhicules garés sur le parking devant, joyeux noël...

La confiance revient, le groupe est solide et les slogans commencent à fuser. C’est à ce moment-là que la journaliste de CNEWS, venue en bottes en caoutchouc, interviewe un gilet jaune citoyenniste, et là... bingo ! on n’est pas venu-e-s pour rien ! Un camarade bien inspiré crie en boucle pendant les deux minutes de l’interview : « Bolloré en prison ! Bolloré en prison ! »

La vidéo sera diffusée au national !

Là aussi

Et encore là

Ça tombe bien car l’idée de la mise en scène à la rubalise est enterrée à nos grands regrets, le casse-croûte est fini et le ministre parti par l’autre sortie inaccessible, gardée par la BAC surexcitée...

Le groupe rejoint alors les avocats limousins qui ont déclenché un opération surprise pour protester contre la réforme de la justice devant la mairie.

Ceux-ci ont mieux calculé leur coup et ont déversé un camion de porcelaine de Limoges cassée au milieu du carrefour, joli ! Là aussi, les images sont retransmises en boucle sur CNEWS entre deux pubs et la météo. La circulation autour de la mairie est interrompue et les gendarmes mobiles font évacuer les lieux et repoussent le groupe d’avocats, de militant-e-s, avec ou sans gilets jaunes.

À la mairie de Limoges également, le Premier Ministre a rencontré des gilets jaunes. Sans esclandre, Valérie Bathias, du groupe Colère 87, et deux autres gilets jaunes ont quitté la mairie avant l’arrivée du Premier Ministre. « Le Premier Ministre a accepté que 14 gilets jaunes participent à la rencontre mais seulement 6 avaient le droit de parler. Plutôt que de faire "plante verte" nous avons préféré retourner dans la rue avec les autres comme nous le faisons depuis 34 jours. Vous savez, on peut se tenir, on sait parler, alors pourquoi certains et pas d’autres. C’est pas très démocratique. Ce tour de table pour raconter nos vies était trop calculé. Nous avons préféré partir », conclut-elle.

Quelques camarades se sont amusé-e-s à exprimer leurs doléances sur ce joli cahier, en voici deux :

  • « Remettre l’économie au service de la politique et non le contraire. Que nos représentants nous défendent, nous et l’intérêt général, et non pas qu’une minorité fortunée.
    Augmenter réellement le Smic, les salaires, et donc les cotisations qui vont avec, plutôt que de sacrifier sans cesse notre modèle social au prétexte de faire des économies. Alors que 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés, stopper immédiatement les mesures d’économies sur le dos des chômeurs : 4 milliards d’économie exigés par le gouvernement, c’est scandaleux et inhumain. Si vous voulez 4 milliards, rétablissez l’ISF !
    Remette en place la Sécurité sociale telle qu’imaginée en 1946, gérée par nous.
    Faire un audit des dettes illégitimes qui justifient les incessantes saignées qu’on inflige au pays.
    Redonner les moyens aux écoles, aux hôpitaux, aux éphad de fonctionner. C’ est la base de ce qu’on peut exiger de nos politiques : donner un avenir à nos enfants, un lit aux malades et de la dignité à nos anciens.
    Cesser de prendre la population pour une idiote. Ce n’est pas de plus de pédagogie dont nous avons besoin pour accepter vos réformes, c’est d’humanité.
    Le service public est un bien commun. Cessez de le briser et de le brader aux cupides. Nous n’avons pas besoin que les trains soient rentables, mais nous en avons besoin partout ! Nous exigeons de pouvoir croire que nos gamins vivront mieux que nous. »
  • « Gratuité réelle et totale des services publics élargis : santé, éducation, retraite, chômage, énergie, eau, transports... et bien d’autres à inventer ! Pour financer cela, de l’argent il y en a : justice fiscale, police fiscale faisant la chasse à l’évasion, nationalisation des banques... et bien d’autres à inventer... Si vous manquez d’inspiration n’hésitez pas à consulter la population. »

Le ministre part avec sa Marianne en porcelaine, le ventre bien rempli de cochon cul noir, il a bien travaillé, il a parlé aux gilets jaunes de province...

Bravo et merci à celles et ceux qui ont eu le courage de sortir, le vendredi des vacances de Noël, sous la pluie ! À bientôt !



Articles de la même thématique : Services publics - Droits sociaux

La marche du rail