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Liberté et égalité des droits

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C’était le mardi 18 décembre 2018,
C’est tous les jours pour les réfugié.e.s, les migrant.e.s :
Les expulsions, y’en a marre !
La répression, y’en a marre !
Liberté et égalité des droits !

Tout, ou presque, a sa journée mondiale, européenne ou nationale. La justice sociale, le heavy metal, la poupée, le scoutisme, les voisins, le braille, l’orgasme, la paix…
La liste est très longue. Selon un blog consacré aux journées mondiales, il y en aurait plus de 400, certaines célébrées en même temps. Il en existe deux types : d’une part celles décidées par des organismes reconnus, l’Organisation des Nations unies (Onu), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les organisations non gouvernementales (ONG), les associations, d’autre part celles décidées par des particuliers, des entreprises.
L’Onu écrit sur son site : « Les journées internationales servent à aborder des aspects essentiels de la vie humaine, des enjeux importants du monde ou de l’Histoire et à sensibiliser le public. »  
En ajoutant : « les thèmes ont toujours un lien avec les principaux champs d’action des Nations unies, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la promotion du développement durable, la protection des droits de l’homme… »
Chaque journée de l’Onu est votée par une résolution, dans laquelle sont détaillées les raisons de son importance. Dans son texte, l’Onu invite tous les États membres, les autres organisations internationales et régionales, la société civile et les particuliers à célébrer cette journée. 
Pour exemple, la Journée internationale des enfants victimes innocentes de l’agression a lieu le 4 juin. Elle a été décidée en 1981, lors d’une session extraordinaire d’urgence de l’Onu sur la question de la Palestine, quand l’organisation s’est dite « consternée par le grand nombre d’enfants palestiniens et libanais qui ont été les victimes innocentes des actes d’agression d’Israël. »
Oui mais, selon le ministère palestinien de l’Information, les forces israéliennes ont tué 3 000 mineurs palestiniens entre 2000, date de la deuxième Intifada et avril 2017. Au cours de la même période, le ministère a estimé que 13 000 autres enfants ont été blessés par les forces israéliennes.
Compte tenu de ce type d’exemple il est difficile de croire que ces fameuses journées puissent avoir un impact réel sur la société.

Pour autant

Pour autant, mardi 18 décembre 2018, à Limoges, le collectif Chabatz d’Entrar a organisé une manifestation à la suite de l’appel signé par 250 organisations en France dans le cadre de la Journée internationale des migrant.e.s. L’ambition de cette journée du 18 décembre, est de « dissiper les préjugés sur les migrant.e.s et de sensibiliser l’opinion à leurs contributions dans les domaines économique, culturel et social, au profit tant de leur pays d’origine que de leur pays de destination. »
18 h 30, la place d’Aine se remplit de personnes (militantes ou non) qui soutiennent tous les migrant.e.s. Avant que la banderole du collectif, marquant le début du cortège, parte dans les rues du centre-ville, une personne du collectif tient à rappeler les motifs de cette manifestation :

« Ce soir, comme dans d’autres villes, nous manifestons car la politique vis-à-vis des réfugié.e.s et des migrant.e.s est de plus en plus répressive et leurs droits se réduisent comme peau de chagrin.
Nous manifestons pour :

  • un droit d’asile sans restriction : abrogation des accords de Dublin (obligeant à demander l’asile dans le 1er pays d’enregistrement) et de la loi de mars 2018 permettant de placer les réfugiés en rétention
  • la régularisation de tous les sans-papiers
  • l’arrêt des expulsions des squats et terrains occupés par les exilés
  • le droit au travail permettant à toutes et tous de vivre en autonomie
  • le droit au logement immédiat pour toutes et tous
  • l’arrêt des expulsions ; la fermeture des centres de rétention
  • des moyens pour l’accueil et non pour la chasse aux étrangers : aucune application des lois dites d’immigration choisie, de la loi Macron-Collomb
  • la suppression de l’Agence européenne des gardes-frontières (ex-FRONTEX). »

À Limoges : à l’école le jour, à la rue nuit : y’en a marre !

« Nous manifestons car : depuis la mi-mai, l’occupation du Centre régional et de documentation pédagogique (CRDP) permet à des migrant.e.s de ne plus dormir dehors. Il semblerait que les solutions envisagées lors des concertations entre la préfecture, la région Nouvelle-Aquitaine et autres consorts s’acheminent vers une expulsion d’une bonne trentaine de foyers qui ne rentreront pas dans les cases de la préfecture : les sans-papiers, les déboutés du droit d’asile, les personnes ayant une obligation de quitter le territoire (OQTF) seront priés de retourner dans la rue ou dans leur pays…
Nous manifestons car : les représentants de la préfecture semblent durcir leurs positions concernant les migrant.e.s. De plus en plus de personnes possédant un titre de séjour essuient des refus lors du renouvellement. Refus accompagnés trop souvent d’une OQTF. »

Non, ne me demandez pas
De cautionner ces lois de l’État !
Non, ne me demandez pas
De cautionner cette politique-là !

[http://www.lesglottesrebelles.com/non-ne-me-demandez-pas/]

« Nous manifestons car comment cautionner :

  • qu’une famille en France depuis 2013, ayant fui le Bangladesh pour protéger la vie de ses membres (en 2012, leur fille aînée, âgée de 10 ans, avait été kidnappée et assassinée, leur maison avait été brûlée) - leurs enfants, 6 ans et 3 ans, sont inscrits à l’école depuis leur arrivée – reçoive, mi-novembre 2018, une OQTF accompagnée d’une interdiction de revenir sur le territoire français dans les deux prochaines années.
     https://www.mdh-limoges.org/spip.php?article2823
  • le cas d’un jeune Guinéen arrivé en 2011, célibataire, sans enfant. Débouté de l’asile - pendant 18 mois, il était en situation régulière ayant un titre de séjour (titre santé. Il suit une formation, travaille dès qu’il y a été autorisé. Les titres de santé étant valable 6 mois précarisent sa situation administrative. Il demande un changement de statut auprès de la préfecture : refus avec OQTF. Raison invoquée : célibataire sans enfant. Il fait un recours avec l’aide d’une avocate, date butoir pour l’audience : 31 janvier 2019. En attendant, il est assigné à résidence (il doit se rendre tous les jours au commissariat pour prouver qu’il est toujours sur le territoire et qu’il ne cherche pas à fuir). Il respecte les conditions de l’assignation à résidence. Une audience a lieu au tribunal administratif le 13 décembre, le délibéré est fixé au 14/12 dans la matinée.
    Sauf que… l’avocate reçoit, avant le délibéré du tribunal administratif, un appel de M. depuis le centre de rétention administratif de Bordeaux. Il a été emmené alors qu’il venait juste de signer au commissariat. L’avocate appelle la Cimade de Bordeaux qui répond : on ne peut plus rien faire, il est déjà parti (le matin même sans attendre le délibéré). La Cimade précise qu’il y avait un gros charter à Paris, donc les préfectures se sont précipitées pour les remplir. M. est parti sans rien, a laissé toutes ses affaires...
  • qu’une famille composée d’un couple et de deux filles : père et mère ont un titre de séjour de 2 ans. La petite dernière un titre étudiant, l’autre fille étudiante, a validé son CAP petite enfance et travaille à la mairie. Comme suite à leurs demandes, auprès de la Préfecture, de changement du statut étudiant à celui de vie privée et familiale, elles reçoivent une OQTF qui a été confirmée par le Tribunal administratif. Leur frère arrivé en 2016, soit deux ans plus tard, est en BAC PRO. Pour lui ce sera un refus de titre de séjour avec OQTF validée par le Tribunal administratif. Motif invoqué : célibataire sans enfant. »

Des papiers pour tous, un toit pour tous !

Ensuite le cortège démarre, nous sommes nombreux (environ 300 personnes). Des habitants du squat ont une banderole « Des papiers pour tous, un toit pour tous », certains ont le même slogan inscrits sur des pancartes dans leurs langues maternelles.
Elle est vivante et joyeuse cette manif. De la musique charivaresque donne le rythme aux slogans. Une détermination à se faire entendre et à se montrer se lit sur les visages des migrant.e.s.
Le cortège s’arrête devant la préfecture, pour autant personne ne semble vouloir partir de suite. Alors la musique continue, puis laisse la place à une prise de parole.
Des habitants du squat tiennent à remercier tous les manifestants.
Puis, il y a les mots puissants de X qui composent des phrases qui n’ont pas besoin d’être martelées pour rester dans la mémoire. Ces phrases sont comme une partition formant une musique gravée dans notre esprit. Elle permet sans cesse de se rappeler pourquoi nous ne lâcherons jamais la lutte, pourquoi nous resterons solidaires de toutes les personnes souhaitant vivre sur un territoire parce qu’elles n’ont pas d’autre choix.
Ces phrases les voici :

« Aujourd’hui partout en France, on est confronté à une difficulté. Nos papiers sont scellés, nos vies sont réduites à ça aujourd’hui, c’est ça l’humanité. Nous sommes venus ici parce que nous sommes étouffés là-bas, nous voulons la liberté, ici au pays des droits de l’homme. Et nous sommes privés de liberté. Mais nous pensons comme vous, nous avons un avenir comme vous. Ce que nous demandons c’est une régularisation pour tous, les mêmes droits pour tous, migrants économiques, politiques, climatiques. Je suis là devant vous pour vous affirmer que cela relève juste de la ségrégation. Tout est lié à la politique, aux multinationales qui pillent nos ressources, à la corruption favorisée jusqu’au sommet de l’État. Les pauvres gens qui souffrent, comment est-ce qu’on peut les appeler migrants économiques ? Et les jeunes étudiants étrangers, dont les frais d’inscription vont être multipliés par dix à la rentrée prochaine, ils ont donné âme, corps, vie pour venir étudier ici. Aujourd’hui, nous posons la question : où se trouve la valeur humaine ? Nos vies sont détruites, on ne peut plus respirer. Tout ce que nous espérons, c’est une vie meilleure...  »


P.-S.

Les mots de X ont pu être reproduits car un journaliste, IH, les a retranscrits dans son article pour L’Echo en date du 20 décembre 2018.


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