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Gilets jaunes, acte X : nouvelles déambulations à Limoges

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L’acte X des gilets jaunes a donné lieu à de nouvelles déambulations dans Limoges avec, pour la plus importante, la même spontanéité mais avec une perte de dynamisme qui nous laisse avec quelques interrogations pour la suite.

Rendez-vous est pris ce samedi à 11 h 30 à nouveau au parking du Casino Géant aux Casseaux. La police est présente et attend. Un mouvement se dessine à pied vers le grand parking des Casseaux face au MacDo. Deux cents personnes s’y rassemblent. Une prise de parole est faite, annonçant l’action du matin. Pas besoin d’aller loin, il s’agit de bloquer un temps le MacDo pour y dénoncer la triche fiscale, les conditions de travail et la malbouffe. Deux banderoles sont déployées. Des tracts distribués, des affiches collées. On y entend : « Bénéfices non taxés, salariés exploités, planète polluée, Big Mac big arnaque ». Mais aussi un conséquent ; « Anti, anticapitaliste ! ». Un autre, jeu de questions et réponses : « Est-ce qu’on veut manger chez MacDo ? Non ! Pourquoi ? C’est de la merde ! ». Une assemblée se tient pour savoir si on reste et combien de temps. On décide de rester jusqu’au moins 13 heures, histoire de faire payer MacDo au porte-monnaie. Malgré cela, quelques minutes plus tard, un groupe important décide de partir bloquer comme la semaine dernière le carrefour amenant à l’autoroute. Beaucoup suivent, un désir de bougeotte a l’air de se faire sentir. Au bout d’un temps ceux qui bloquent le MacDo, en minorité maintenant, décident de rejoindre le gros de la troupe au carrefour pour rester le plus massif possible. Dommage, c’était une bonne cible économique et l’action a été bien préparée. Un vélo-bar qui n’aurait pas fait honte à Marcel Duchamp nous rejoint au carrefour, conduit par Damien, un personnage insolite qui a déjà fait parlé de lui à Bussière-Galant notamment. Il proclame la « République volontaire et autonome des champions »... Après avoir fait le tour des ronds-points durant tout le mouvement, il revient sur Limoges même pour s’y fixer au hasard des opportunités à différents endroits de la ville pour y créer des points de fixation pour débattre, échanger, grignoter, boire un verre... Il nous accompagnera tout au long de la journée.

Une manifestante exhibe les portraits des blessés graves devant des motards.
Là aussi la bougeotte se fait sentir assez vite et ça repart au son des pétards vers le centre-ville en remontant l’avenue Jean-Gagnant au cri de « Limoges, debout, réveille-toi ! ».
L’idée est à nouveau d’aller vers la gare, un petit groupe s’engage vers le parking SNCF mais peu suivi, la majorité préférant faire le grand tour. La journée sera marquée par ces incessantes hésitations sur le chemin à parcourir mais sans la dynamique de la semaine dernière qui a fait que ça bougeait très vite et ensemble malgré tout. Sensation étrange de tergiverser, de mollesse.
Tout le monde se regroupe quand même devant la gare mais là, évidemment, les robocops ont eu largement le temps de s’installer devant. Après le classique face-à-face ponctué de quelques insultes, on repart vers le champ de Juillet. Là aussi moment d’hésitation. Pourquoi le champ de Juillet où il n’y a rien à bloquer, pourquoi ne pas continuer sur la rue ? Mystère de l’improvisation. On sort du champ de Juillet, remonte la rue de la Libération. Au carrefour avec la rue Garibaldi, décision est prise d’aller au centre commercial Saint-Martial alors que l’expérience de la semaine dernière a montré que la police nous empêcherait d’y pénétrer. C’est ce qui se passe. Pause, perplexité, on repart, on perd du monde en route, lassé par ces valses-hésitations sans but clair. On tourne pour aller devant le centre des impôts et... bien non, on y passe même pas on retourne dans la rue Noriac pour aller devant la préfecture. On s’engage dans la rue de la Préfecture et, une fois de plus, même si la police ne nous empêche pas d’y aller, elle nous précède plutôt gentiment, nouvelle hésitation, peur peut-être devant le risque de se retrouver devant des robocops, présents il est vrai dans une rue adjacente mais en moindre nombre que d’autres samedis. Tout le monde finit par s’y regrouper quand même.
Un « Police nationale, police du capital » fait du bien et aussi un « Tout le monde déteste la police » qui laisse quand même perplexe certains gilets jaunes.

C’est reparti par la rue Jean-Jaurès. Nouvelle hésitation pour prendre une rue transversale vers l’hyper-centre. Devant le manque de dynamisme on est quelques-uns à vouloir rejoindre un autre rassemblement prévu à 14h30 au champ de Juillet pour protester contre les violences policières. On y va et on y retrouve une petite centaine de personnes qui s’engagent lentement le long du court parcours déclaré jusqu’à la préfecture où on finit par arriver à nouveau. L’autre cortège qui a fini son tour en ville finit par le rejoindre. Un chocolat chaud est offert dans le square pour discuter. Un peu tristounet tout ça malgré... une pom-pom girl gilet jaune.

Le soir on se retrouve à un autre rassemblement place Jourdan, à partir de 18h30, autour d’une sono et de bières locales aussi pour discuter et faire un peu la fête, danser. On s’y retrouve avec quelques manifestants de la journée plus d’autres, notamment de jeunes paysans de la Confédération paysanne, pour tirer le bilan de cette journée et de la suite à donner. De riches échanges s’y font par petits groupes. Le vélo-bar magique nous a aussi rejoints.

« C’était mieux samedi dernier »

Etrange journée, qui rappelle celle de samedi dernier quant à la déambulation en ville avec la même spontanéité mais avec moins de gnaque, sans le dynamisme, sans les prises de décisions rapides assumées par tous. On a beaucoup entendu lors de cette journée des gilets jaunes dire avec regret : « C’était mieux samedi dernier ! ». Du coup on a perdu pas mal de monde en route déçus par la mollesse de la manif. Comme si quelque chose s’était perdu d’une semaine sur l’autre. On était beaucoup à s’interroger sur les raisons sans en trouver de satisfaisantes. Au moins il faudra y réfléchir pour les prochaines actions car, malgré tout, ce furent encore de chouettes moments partagés où une maturation se fait quand même sentir. Petit à petit le côté anticapitaliste se fait plus entendre, un « Bella Ciao » fut joyeusement repris, une « Internationale » se fera même entendre. Une timide « Quenelle » est vite remise à sa place, quelques cris et slogans sexistes amènent rapidement aussi des protestations et des discussions. On y découvre toujours avec une heureuse surprise des amis qu’on a pas vus depuis longtemps et qui participent depuis le début au mouvement dans leurs ronds-points de campagne. Toujours aussi de nouvelles personnes qui se décident à venir et prendre le pouls, « voir comment ça se passe ». Peut-être faut-il réfléchir à d’autres formes d’action, à investir des lieux qui permettent de recréer du lien, du temps aussi pour réfléchir ensemble, aussi juste pour le plaisir de s’y retrouver et réinventer du collectif, ce qui était possible quand les ronds-points étaient occupés.
A suivre donc, gardons la confiance, notre imaginaire est notre force.

Stylos rouges et gilets jaunes solidaires.