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Appel de la première Assemblée des assemblées des Gilets jaunes qui s’est tenue à Commercy

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Appel émanant de la première Assemblée des assemblées qui s’est tenue, les 26 et 27 janvier, à Commercy (Meuse), réunissant quelque soixante-quinze délégations, mais aussi de très nombreux observateurs. Cet appel sera proposé à l’adoption dans chacune des assemblées locales qui la constituent.

Vous pouvez retrouver une présentation des 75 groupes présents à Commercy sur le site Manif’Est.

Ci-dessous le texte en clair, suivi de notre commentaire.

« Nous, Gilets Jaunes des ronds-points, des parkings, des places, des assemblées, des manifs, nous sommes réunis ces 26 et 27 janvier 2019 en « Assemblée des assemblées », réunissant une centaine de délégations, répondant à l’appel des Gilets Jaunes de Commercy.

Depuis le 17 novembre, du plus petit village du monde rural à la plus grande ville, nous nous sommes soulevés contre cette société profondément violente, injuste et insupportable. Nous ne nous laisserons plus faire ! Nous nous révoltons contre la vie chère, la précarité et la misère. Nous voulons, pour nos proches, nos familles et nos enfants, vivre dans la dignité. 26 milliardaires possèdent autant que la moitié de l’humanité, c’est inacceptable. Partageons la richesse et pas la misère ! Finissons-en avec les inégalités sociales ! Nous exigeons l’augmentation immédiate des salaires, des minimas sociaux, des allocations et des pensions, le droit inconditionnel au logement et à la santé, à l’éducation, des services publics gratuits et pour tous.

C’est pour tous ces droits que nous occupons quotidiennement des ronds-points, que nous organisons des actions, des manifestations et que nous débattons partout. Avec nos gilets jaunes, nous reprenons la parole, nous qui ne l’avons jamais. Et quelle est la réponse du gouvernement ? La répression, le mépris, le dénigrement. Des morts et des milliers de blessés, l’utilisation massive d’armes par tirs tendus qui mutilent, éborgnent, blessent et traumatisent. Plus de 1 000 personnes ont été arbitrairement condamnées et emprisonnées. Et maintenant la nouvelle loi dite « anti-casseurs » vise tout simplement à nous empêcher de manifester. Nous condamnons toutes les violences contre les manifestants qu’elles viennent des forces de l’ordre ou des groupuscules violents. Rien de tout cela ne nous arrêtera ! Manifester est un droit fondamental. Fin de l’impunité pour les forces de l’ordre ! Amnistie pour toutes les victimes de la répression !

Et quelle entourloupe que ce grand débat national qui est en fait une campagne de communication du gouvernement, qui instrumentalise nos volontés de débattre et décider ! La vraie démocratie, nous la pratiquons dans nos assemblées, sur nos ronds-points, elle n’est ni sur les plateaux télé ni dans les pseudos tables rondes organisées par Macron. Après nous avoir insultés et traités de moins que rien, voilà maintenant qu’il nous présente comme une foule haineuse fascisante et xénophobe. Mais nous, nous sommes tout le contraire : ni raciste, ni sexiste, ni homophobe, nous sommes fiers d’être ensemble avec nos différences pour construire une société solidaire. Nous sommes forts de la diversité de nos discussions : en ce moment même des centaines d’assemblées élaborent et proposent leurs propres revendications. Elles touchent à la démocratie réelle, à la justice sociale et fiscale, aux conditions de travail, à la justice écologique et climatique, à la fin des discriminations. Parmi les revendications et propositions stratégiques les plus débattues, nous trouvons : l’éradication de la misère sous toutes ses formes, la transformation des institutions (RIC, constituante, fin des privilèges des élus…), la transition écologique (précarité énergétique, pollutions industrielles…), l’égalité et la prise en compte de toutes et tous quelle que soit sa nationalité (personnes en situation de handicap, égalité hommes-femmes, fin de l’abandon des quartiers populaires, du monde rural et des outres-mers…).

Nous, Gilets Jaunes, invitons chacun avec ses moyens, à sa mesure, à nous rejoindre. Nous appelons à poursuivre les actes (acte 12 contre les violences policières devant les commissariats, actes 13, 14...), à continuer les occupations des ronds-points et le blocage de l’économie, à construire une grève massive et reconductible à partir du 5 février. Nous appelons à former des comités sur les lieux de travail, d’études et partout ailleurs pour que cette grève puisse être construite à la base par les grévistes eux-mêmes. Prenons nos affaires en main ! Ne restez pas seuls, rejoignez-nous ! Organisons-nous de façon démocratique, autonome et indépendante ! Cette assemblée des assemblées est une étape importante qui nous permet de discuter de nos revendications et de nos moyens d’actions. Fédérons-nous pour transformer la société ! Nous proposons à l’ensemble des Gilets Jaunes de faire circuler cet appel. Si, en tant que groupe gilets jaunes, il vous convient, envoyez votre signature à Commercy (assembleedesassemblees@gmail.com). N’hésitez pas à discuter et formuler des propositions pour les prochaines « Assemblées des assemblées », que nous préparons d’ores et déjà.

Macron démission !

Vive le pouvoir au peuple, pour le peuple et par le peuple !

L’Assemblée des assemblées,
Commercy, le 27 janvier 2019. »

Pesanteur inévitable des compromis

Même si cet appel a le mérite de remettre le social en avant, on y sent toute la pesanteur des compromis discutés âprement. Par exemple en dénonçant les agressions des groupes fachos organisés en les appelant des « groupuscules violents » sans les nommer explicitement. De même on parle de « transformation des institutions », mais dans quel cadre ? dans celui des institutions ? C’est ce qui ressort en remettant en avant le piège du référendum d’initiative citoyen et du mythe de la Constituante. On sent derrière ces revendications les militants de partis politiques pousser leurs pions. Et quand on parle de « la fin des privilèges des élus », cela veut-il dire qu’il y aura toujours des élus, un système représentatif ? Sans poser explicitement le principe du mandat impératif, de la révocabilité à chaque instant ?

Le manque le plus criant est encore une fois celui de la solidarité avec les travailleurs immigrés, les sans-papiers, les migrants. Toujours la peur de se couper d’une partie du mouvement travaillée par les idées simplistes de xénophobie. Bien sûr chacun doit faire son chemin petit à petit en partant de là où il est mais il faudra bien poser à un moment le problème de fond de la solidarité avec tous les exploité-e-s si on veut ne pas se scléroser et se couper d’une part de la population la plus soumise aux violences institutionnelles, et... y perdre son « âme ». Là un grand pas sera fait vers une vraie extension du mouvement quitte à se séparer de la partie la plus réactionnaire. Certains groupes de Gilets jaunes n’hésitent pas à affirmer cette solidarité sans concession comme celui de Montreuil dans son appel on proclamant « que la différence ne doit pas constituer une frontière : ni la couleur de peau, ni le lieu de naissance, ni le genre, ni l’orientation sexuelle, ni la religion ne serviront de prétexte pour nous diviser ».

Mais même si on y perd un peu de la fraîche poésie du premier appel de Commercy, ne boudons pas notre plaisir du moment de voir ces soixante-quinze délégations venues de tout l’Hexagone arriver à se réunir, à se parler, à créer ces moments de vie et de partage pour essayer de se fédérer horizontalement et avancer plus clairement vers une vraie remise en cause sociale. Faisons confiance au mouvement, le chemin sera long mais passionnant.