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Pour empêcher l’industrialisation de la forêt, des politiques et associations lancent la bataille

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Dans les bois, loin des discours productivistes, une autre voix commence à se faire entendre, celle du mouvement contre l’industrialisation des forêts françaises. Ses animateurs dénoncent la transformation de massifs forestiers en « usines à bois », la multiplication des coupes-rases et le démantèlement de l’Office national des forêts — l’établissement public qui gère un tiers des surfaces boisées en France.

Si l’opinion s’est émue l’été dernier des incendies en Amazonie, il faudrait désormais, selon les membres du collectif SOS forêt, s’intéresser à ce qui se trame près de chez nous, sous les frondaisons de nos forêts où la biodiversité se dégrade, menacée par les grandes usines à biomasse et la hausse des prélèvements en bois.

« Notre émotion ne doit pas être à géographie variable, disent-ils. Pourquoi se mobiliser contre les plantations d’huile de palme à l’autre bout de la planète et non contre les monocultures résineuses qui peuplent nos forêts, acidifient les sols et malmènent nos écosystèmes ? Pourquoi être plus attentif aux pandas ou aux orangs-outans qu’aux espèces en voie de disparition en France, comme le pique-prune, le lucane cerf-volant ou la rosalie alpine ? »

Aujourd’hui, la lutte se trouve à un moment charnière. Samedi 26 octobre 2019, une manifestation est prévue à Fontainebleau. Elle conclut une semaine de mobilisations. Pendant deux jours, mercredi et jeudi 23 et 24 octobre, une centaine de « forestiers résistants », de chercheurs, de syndicalistes et d’associatifs se sont réunis lors des Assises de la forêt à proximité de Paris pour élaborer ensemble des propositions en faveur d’une gestion alternative de la forêt. Ces mesures alimenteront une proposition de loi citoyenne soutenue par plusieurs groupes parlementaires, dont Mathilde Panot, députée La France insoumise, est cheffe de file.

« Les citoyens savent qu’il y a un problème avec la forêt française. Avant on criait seul dans le désert »

La bataille institutionnelle est engagée et vise à accroître le rapport de force avec la filière industrielle. Le contexte actuel y est propice. « Les perceptions changent. Les citoyens ont compris qu’il existait un problème avec la forêt française, observe Régis Lindeperg, membre de l’association SOS forêt. Il y a cinq ans, on criait dans le désert. »

La profusion de documents, de livres, de films, a sûrement contribué à cette prise de conscience. Le best-seller La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben a été vendu à plus d’un million d’exemplaires en France. Le film Le temps des forêts de François-Xavier Drouet, sorti en septembre 2018, a également fait partie des dix documentaires les plus vus de l’année. « L’engouement pour les arbres est indiscutable. Il faut maintenant le politiser », estime Régis Lindeperg.

C’est tout l’enjeu des Assises de la forêt. Ce temps de réflexion, où se mêle une diversité d’acteurs, a pour objectif de « faire émerger une nouvelle vision de la forêt et de produire une contre-expertise », explique Sylvain Angerand de l’association Canopée. « C’est indispensable pour les mobilisations futures », pense-t-il. « Les professionnels tentent de nous rassurer en disant que la superficie de la forêt progresse, mais cela ne dit rien sur son état de santé. »

Poser un diagnostic réel sur la qualité de nos forêts est un premier jalon. Or le constat des Assises est sans appel : les forêts s’uniformisent. Selon les données de l’Inventaire forestier national, 51 % des forêts sont constituées d’une seule essence. Les arbres sont aussi coupés de plus en plus jeunes : 80 % des arbres des forêts françaises ont moins de 100 ans.

« L’industrialisation de la filière s’intensifie, juge de son côté le réalisateur François-Xavier Drouet, les monocultures se généralisent avec des essences à croissance rapide et l’usage de pesticides et d’engrais. Les coupes rases se banalisent. On expérimente aussi des arbres génétiquement modifiés. »

Pour les participants aux Assises, il est important de montrer qu’une autre voie est possible. « On veut proposer une porte de sortie, ou plutôt une porte d’avenir, dit Régis Lindeperg. Deux mondes s’affrontent : nous sommes les "bio" de la forêt face à la sylviculture intensive. »

Lors des deux jours de débat, de nombreuses alternatives ont été valorisées : des circuits courts au débardage à cheval, des scieries artisanales aux groupements fonciers citoyens qui gèrent collectivement des parcelles de forêt.

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