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Intimidations policières et solidarité en berne en marge d’un défilé syndical

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Mercredi 29 janvier, la manifestation d’opposition à la contre-réforme des retraites s’est terminée comme annoncé devant les bâtiments de Legrand, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny. Prises de parole au micro, casse-croûte, discussions éparses recouvertes par la sono bruyante : vraiment rien d’original ce jour-là, que du connu et de la mécanique bien huilée. Il semble que seule la police nationale ait ressenti le besoin de déborder un peu.

En effet, celle-ci a décidé pour une raison inconnue de se jeter sur un groupe de quatre personnes qui redescendaient la rue vers le Pont-Neuf. Questionné plus tard, le patron d’un commerce situé à proximité du contrôle dira qu’il a vu les policiers surgir rapidement d’un fourgon qui venait de se garer, comme s’ils tenaient vraiment à ne pas laisser passer ce groupe-ci. Rapidement, ce sont un deuxième fourgon, puis un troisième, qui arrivent, disposant les véhicules de manière à encercler les personnes contrôlées. Au total, une quinzaine de policiers pour contrôler quatre individus, auxquels il serait bien difficile de reprocher une quelconque exaction lors du défilé du jour.

Deux autres personnes qui se trouvaient une centaine de mètres devant le groupe contrôlé ont pu observer la scène et tenter de trouver un appui pour s’assurer que le contrôle ne tourne pas mal. En effet, toute personne qui participe aux manifs ces temps-ci (en particulier depuis un an et demi) sait bien que n’importe quel contrôle « de routine » peut rapidement se transformer en interpellation arbitraire : les forces de l’ordre ont parfois besoin de remplir des objectifs chiffrés, d’autres fois elles trouvent dans un sac ou des poches prétexte à se venger d’un regard de travers, d’autres fois encore ce sont les objectifs de communication gouvernementale qui les invitent à inventer ici ou là une nouvelle « association de malfaiteurs » ou autre « groupement formé en vue de ... », l’une ou l’autre accusation ayant l’avantage de permettre des inculpations fort contraignantes sur la base de simples soupçons.

Les deux compères décident donc de remonter la rue pour aller demander un geste de solidarité aux derniers syndicalistes CGT restés devant Legrand. Une fois arrivés devant Legrand, ils expliquent la situation à la vingtaine de personnes restantes, quelques-unes rangeant leur stand cependant que les autres discutent et finissent leurs verres. Ils essuieront une belle fin de non-recevoir à base de « vous voyez pas qu’on travaille » et autres « les contrôles de police il y en a tous les jours », pour repartir rapidement à la demande de « laissez-nous avec notre organisation ». Merci pour la solidarité, « camarades » !

Les seuls gestes de soutien qu’ils obtiendront viendront de deux manifestants isolés qui voudront bien s’approcher des lieux du contrôle, et de deux autres personnes contactées par téléphone. Le contrôle aura duré plus d’un quart d’heure, sans que la police ne trouve le prétexte qu’elle semblait chercher pour embarquer qui que ce soit.

Bilan de l’anecdote :

  • le sentiment d’une intervention policière ciblée et organisée après une manifestation où rien ne justifiait qu’ils interviennent ;
  • un mystère qui demeure sur les véritables raisons de ce contrôle, entre recherche d’intimidation, fiches de renseignement à compléter, ou espoir d’une découverte permettant de faire du chiffre ;
  • une douloureuse piqûre de rappel sur la question de savoir, en cas de problème, sur qui on peut compter et sur qui on ne peut pas.

Remarque finale : notre propos n’est pas de rajouter de la peur ou des plaintes inutiles à l’intimidation policière exercée dans la rue. Il est simplement de dire une fois de plus que, non, nous n’acceptons pas de voir comme « banal » ou « anodin » le fait que trois fourgons et quinze flics bloquent un trottoir pour mettre la pression à un groupe de manifestants ; que, oui, de tels contrôles peuvent mal se terminer, qu’ils ont toujours lieu dans le cadre de la répression d’État, et que la solidarité ouvrière et militante gagnerait sans doute à ce qu’on prenne l’habitude de montrer aux flics qu’on est là, et ensemble, pour veiller au grain lorsqu’ils décident d’imposer leur arbitraire.



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