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Ureka, vitrine d’Areva et du nucléaire

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Le Limousin a été un territoire où l’activité minière pour extraire de l’uranium fut particulièrement importante : jusqu’à une cinquantaine de sites en Haute-Vienne pour 210 mines dans toute la France. C’est aussi en Haute-Vienne, à Jouac, qu’a fermé la dernière mine encore en exploitation jusqu’en 2001.

Mais ce n’est pas parce que l’exploitation des mines est terminée que c’en est fini de la radioactivité. Areva a distribué des « stériles miniers » en guise de remblais aux collectivités comme aux particuliers ou laisse des mines en accès libre sans se soucier de leur entretien. Ainsi, « à la fin du mois de septembre 2009, des habitants du plateau se sont rendus sur le site d’Hyverneresse, en grande partie libre d’accès et ne faisant aucunement mention d’une ancienne activité minière. Avec l’aide de l’association Oui à l’avenir, ils ont pu constater que l’on pouvait recevoir des doses radioactives allant jusqu’à quinze fois (3,20 microsieverts/heure) le niveau de radioactivité ambiante habituelle (0,20 microsievert/heure), notamment à l’exutoire du site (l’exutoire étant un point où se concentrent les eaux de la mine). Celui-ci se jette dans le ruisseau de la Brousse qui, lui-même, rejoint la Creuse. » [1].

L’activité uranifère en Limousin est donc toujours source de problématiques de santé comme d’environnement et donc de conflits avec des habitant-e-s ou des associations. Mais Areva a trouvé une solution miracle pour redorer son blason : elle a ouvert en juillet 2013 un site de promotion qu’elle a nommé Ureka. L’emplacement est symbolique puisque le « musée interactif » a été installé à Bessines-sur-Gartempe où pas moins de neuf mines d’uranium ont été exploitées entre 1948 et 1994. Et aujourd’hui encore un site de stockage y accueille un peu moins de 200 000 tonnes d’uranium appauvri. Ce qu’Areva ne mentionne pas c’est également qu’une « étude met notamment en évidence un nombre anormalement élevé de cancers du rein (essentiellement) autour du bassin versant de la Gartempe (Haute-Vienne) ». [2].

Car oui face aux faits catastrophiques, quelle meilleure arme que la propagande par l’image ? Areva met donc les moyens : plus de 8 millions d’euros pour l’ouverture. Au passage les collectivités (conseil général de la Haute-Vienne, conseil régional et commune de Bessines-sur-Gartempe), toujours en restriction budgétaire par ailleurs, finance des travaux de voirie à hauteur de 1,6 million d’euros. Au programme d’Ureka : « Un grand moment de découverte, d’enrichissement, d’amusement et de détente pour toute la famille à vivre comme une aventure ludique et interactive. » Les mineurs sont présentés comme des héros et le parc d’attraction radioactif est censé rendre hommage à ces « pionniers » avec une immersion 3D, des bornes tactiles et un grand « musée ». Une publicité qui ne dit pas son nom puisque le mot Areva n’est mentionné nulle part sur le site Internet. Le site ne serait que « le produit du territoire, de l’imagination et de la passion ».

Si les images omniprésentes de mineurs musclés aux stéroïdes et semblant être tirés d’un film d’action hollywoodien ne trompent personne, des anciens des mines viennent quand même à l’ouverture. Attitude paradoxale qui s’explique pourtant, car si « les mineurs sont en effet les premiers touchés par les poussières d’uranium et de radon, ils restent les principaux défenseurs des mines. Cégétistes pour beaucoup, ils tiennent sur le point de vue écologique à peu près le même discours que leur employeur. [...] La dureté du travail a renforcé les liens de solidarité entre les travailleurs, leur a conféré quelque part un statut de héros, et ils étaient très bien rémunérés par rapport à la moyenne des ouvriers. Tout ceci fait qu’ils ont du mal à remettre en cause leur activité passée. »  [3]

Malgré tous les efforts d’Areva, c’est un grand flop, le musée est dénoncé dès son ouverture comme la vitrine d’Areva. Le système électrique est incendié en avril 2014 et occasionne trois mois de fermeture [4]. Et globalement personne ne vient, en 2016 « l’objectif annoncé était d’attirer chaque année 25 000 visiteurs. La réalité est tout autre puisque que, début octobre, on dénombrait seulement 637 entrées vendues. Au total, seulement 1 000 devraient être vendues d’ici à la fin de l’année. » Le musée ferme donc partiellement aux visites individuelles et n’ouvre plus que pour les groupes à partir de 10 personnes.

Et c’est là un problème de taille car si l’on peut se réjouir que peu de personnes y aillent de leur plein gré, Ureka est reconnu comme « un musée d’intérêt pédagogique » par l’Education nationale. Autrement dit, une bonne partie de la propagande nucléaire d’Areva a vocation a être ingurgitée par les enfants ou adolescents dans le cadre de sorties pseudo-pédagogiques. Le roman local autour de la belle époque minière peut donc prendre sa place tranquillement dans les écoles et, pourquoi pas, donner des vocations pour soutenir les projets de mines d’or en Creuse [5] ou en Haute-Vienne [6]. Au passage, Areva en profite pour faire sa promotion actuelle des mines d’uranium qu’elle gère un peu partout dans le monde, notamment au Niger où elle s’illustre par son implication dans la Françafrique [7]. Il n’est pas sans dire qu’Areva ne parle pas non plus du projet CIGEO d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure [8].

Ainsi, à part la mairie de Bessines, plus personne ne peut soutenir ce projet moribond. Quant aux professeurs, certains d’entre-eux jugent intéressant d’aller travailler l’histoire dans un lieu qui l’adapte à ses besoins de communication. Nous ne pouvons que soutenir les élèves et les parents qui leur opposeront une fin de non-recevoir. Pour que notre futur ne soit pas irradié, mettons l’arrêt du nucléaire sur la table dès maintenant.



Notes

[1Lire l’article Les mines d’uranium en Limousin sont toujours en activité ! de Sortir du nucléaire.

[2Lire l’article Mines d’uranium et cancer : une étude épidémiologique lancée dans le Limousin] du Journal de l’environnement.

[3Lire l’article Plongée dans les anciennes mines d’uranium du Limousin disponible sur le site de Télérama.

[5A voir, le site Stop Mines 23, site d’un collectif de citoyens et d’associations réunis pour informer le public sur la question des mines et pour faire valoir d’autres valeurs et d’autres visions pour le territoire.

[6A voir, le site Stop Mines 87.