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Violences policières racistes à Limoges

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Troisième semaine de confinement et son lot de répression et de violences institutionnelles et policières. Limoges ne fait pas exception. Voici le témoignage reçu dimanche 29 mars d’une personne gazée par la police nationale à Limoges, lors d’un contrôle d’identité .

Comme d’habitude, je sors vers 21h30. J’ai mon attestation daté du jour. Je fais attention au Coronavirus, j’ai mon gel hydroalcoolique avec moi. Je vais acheter des cigarettes et chercher à manger un sandwich chez un ami restaurateur.
Ce jour-là, rue Adrien Dubouché, je vois la police. Ils contrôlent des livreurs, ils sont occupés avec eux. Je me dirige vers la sandwicherie, j’attends ma commande. Je repars avec, les flics sont garés au milieu de la rue. Je reviens par là où je suis arrivé pour rentrer.
Même pas 10 mètres, je sens leur présence derrière moi. Dans un endroit isolé, sans témoin et sans caméra, ils arrivent à mon niveau. « Tac, tac » j’entend les portes s’ouvrir, ils sortent dont deux avec une bonbonne (de gaz lacrymogène) chacun. Quand ils descendent, un vient d’en bas pour me barrer la route, ils me cernent. Je baisse la tête, je n’ai pas de geste d’agressivité. De leur part, ni bonsoir, ni sommation. Avec agressivité, ils me lancent : « Passe ton sac » et à ce moment j’ai flippé. Ils me demandent mon attestation (que j’avais) et mes papiers d’identités mais je n’en ai pas.
Ils me demandent : « Vous êtes d’où ?  » un de ses collègues dit : « C’est un blédard ! Vous comprenez ce que ça veut dire un blédard  ? (en s’adressant à moi) ? ». Je lui réponds : « Vous savez que c’est grave : « blédard », je pense que ce n’est pas légal de me parler comme ça » . Il me répond : « Tu es de Mostaganem ?  », je lui dis, main dans les poches : «  Je suis de Kabylie ! ». Il répond : «  Enlève les mains de tes poches ! ». Ensuite, ils m’interrogent pour savoir où j’habite mais je n’ai pas de domicile fixe, j’ai renseigné «  Limoges » comme adresse sur l’attestation. Les policiers dégoûtés, l’un d’entre eux ; bombe mon sac de nourriture qui est à terre : « Dégage ! Dégage ! Dégage » accompagné d’un jet de lacrymogène sur mon sac dans la volonté de nuire. Par réflexe, je grommelle que c’est injuste. Puis à bout portant, je reçois trois jets (de lacrymo) dans le visage pendant plus d’une minute. Je pars sans qu’il me redonne mon attestation de déplacement et quinze mètres plus loin, je m’accroupi dans la rue, un petit moment, avec la douleur.
Le lendemain, je parle de cette histoire à un ami. Dans le cadre de son travail, il a , lui aussi, été contrôlé par la police nationale avec un de ses employés. Ils n’avaient pas d’attestation et les ont verbalisé. L’employé a été conduit au commissariat pour un contrôle d’identité (il n’avait pas ses papiers sur lui). Un des policiers lui a dit : « C’est pas la Côté d’Ivoire,ici ! » pendant l’interrogatoire. Je lui demande si ce policier est roux et barbu. Il me réponds que oui, comme celui qui m’avait interpellé quelques jours avant.
Ce que je ressens, c’est la « Hogra ». Ce n’est pas traduisible en français mais c’est un sentiment vis-à-vis un abus d’autorité de domination envers un plus faible. C’est un sentiment d’impuissance. Maintenant, la colère est passée. J’ai vécu des états d’âme profonds, ce sentiment de « hogra ». J’ai vécu une agression caractérisée. Maintenant, c’est passé mais je ne suis pas serein.
Depuis samedi soir, je me suis risqué une fois à sortir... Et je ne sors de ma chambre que très rarement pour boire un café par exemple.
Dans ma situation, impossible de porter plainte ou de signaler ça !. [1]

Nous souhaitons partager ce témoignage, pour ne pas se taire que cela se sache !

Depuis hier, les blessures se pansent. Mais l’humiliation et la peur sont toujours là. Car il a été gazé et interpellé non parce qu’il n’avait pas d’attestation (quand bien même), mais bien parce que pour la police ne pas avoir de papier ou être un "blédard », c’est un délit ! Comment lui permettre de retrouver un semblant de sérénité ? Comment faire pour qu’il puisse se déplacer sans se sentir traqué ? Comment va-t’il s’approvisionner en nourriture dans ce contexte ? Bien sûr ce phénomène n’est pas nouveau mais, dans cette période, la police raciste se lâche et la chasse aux précarisés est en marche.

Solidarités avec tous les confinés !


P.-S.

Depuis le début du confinement et que Macron martèle : « Nous sommes en guerre », la répression ne recule pas... Ce sont les quartiers [2], les enfermés (psychiatrisés, exilés en CRA, détenus) [3] ... , les travailleurs précaires, etc., qui en sont les premières victimes. La liste est longue et ne désemplit pas. Qui ça étonne encore ?


Notes

[1Propos recueillis auprès de la personne interpellée.

[2« Coronavirus et violences policières. 10% des amendes rien qu’en Seine Saint Denis et une compilation des violences racistes policières sur Paris-Luttes.infos

[3Plus d’informations sur la revue L’Envolée contre toutes les prisons.