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Contrôlée par les gendarmes

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Voici ce qui arrive, au temps du confinement, et que l’on souhaite tenir sa parole à son petit fils... Elle s’appelle Jeanne et comme elle le dit dans son courriel accompagnant son texte : « Il fallait que j’écrive ces quelques mots pour rester debout. »

Lundi 20 avril, 16 h 55, je suis avec mon petit-fils Thiago, quatre ans et demi près de l’étang de Lagarde-Enval (près de Tulle, Corrèze). Nous avions des mouches à donner aux poissons et j’avais promis que nous les porterions aux poissons de l’étang. Quelques gouttes de pluie tombent et font de jolis cercles sur l’eau. Les poissons eux aussi se donnent en spectacle en provoquant une multitude d’ondes.

Nous repartons enfin vers ma voiture quand une voiture de la gendarmerie s’arrête à mon niveau. Trois gendarmes sortent, sans aucune protection. L’un d’entre eux m’interpelle en gardant ses distances me demandant de lui présenter mon autorisation de sortie, une carte d’identité, mon permis de conduire, me demandant où j’habitais, qui était l’enfant avec moi et me rappelant à l’ordre : « Les sorties en bord de l’eau sont interdites ; vous avez dépassé le temps réservé à la détente et pour se détendre on ne prend pas la voiture. » Il n’y avait pas d’agressivité dans son propos. ll a enregistré dans son appareil informatisé les informations que je lui ai données. Je m’en veux d’être tombée, ce lundi 20 avril, dans les filets de cette politique violente du confinement menée par le gouvernement Macron alors que je suis entrée en résistance depuis plusieurs semaines contre ce régime liberticide.

Des souvenirs au goût amer

Mais, le plus terrible pour moi est ce moment, quelques minutes après mon interpellation, où l’idée d’une dénonciation possible de ma présence par des riverains de l’étang m’a totalement envahie. Un sentiment de panique, et un bouleversement émotionnel se sont emparés de moi. Impossible de maîtriser les souvenirs qui ont marqué mon histoire, impossible de chasser l’image de ce matin du 4 avril 1944, à l’aube, à Fadat (Brive), de l’irruption des nazis, fusillant mon grand-père paternel, dans le pré, envoyant en camp de concentration les autres membres de la famille. Ils avaient été dénoncés en tant que juifs.
Je suis entrée en résistance car dans la situation actuelle nous subissons plus qu’une dérive autoritaire. Nous sommes soumis à un test grandeur nature de contrôle de la population permettant d’en mesurer le degré d’obéissance. Du degré de soumission dépendra la réussite du projet Macron et de l’oligarchie tyrannique : transformer en marchandises ce qui leur échappait c’est-à-dire trouver de nouveaux marchés plus particulièrement dans le domaine de la santé et de l’éducation, pour réaliser des profits toujours plus exorbitants.
Je ne sais pas ce que vont être les prochaines semaines pour nous toutes et tous. En ce qui me concerne, j’espère avoir les ressources vitales indispensables pour être libre de désobéir et vivre avec d’autres cet engagement. Je pense à toutes celles et ceux avec lesquel(le)s j’ai fait un bout de chemin avec l’espoir de le continuer pour que nos rêves deviennent réalité.

Fraternellement.
Jeanne, 20 avril 2020.

Notes :
Mes réflexions ont été nourries par la pensée et les écrits de plusieurs auteurs tels que Noam Chomsky, Franck Lepage, Hervé Kempf, Juan Branco, Jean-Jacques Crèvecoeur, Naomi Klein, Johann Chapoutot, et la visite de quelques sites : Là-bas si j’y suis, Reporterre, ATTAC, Cerveaux non disponibles, Pièces et main d’œuvre. Cette liste n’étant ni exhaustive ni fermée.

Johann Chapoutot, Libres d’obéir : le management du nazisme à aujourd’hui publié chez Gallimard dans la collection NRF essais.
Franck Lepage, COVID 19 l’ami des dominants, un texte écrit par l’équipe de L’ardeur, association d’éducation populaire politique.
Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète, éditions du Seuil.
Juan Branco, Crépuscule.
Des interviews de Chomsky, Klein et Crèvecoeur.



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