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Trop tard pour être pessimistes !

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Daniel Tanuro donnait une conférence à Tulle le 29 août dernier. Une petite centaine de personnes était au rendez-vous pour échanger avec lui sur des sujets d’importance. Voici un résumé de son propos. [1]

Nous vivons un moment historique particulier, dans un contexte social de destruction d’emplois et d’inégalités croissantes. La crise est sociale, écologique, idéologique, politique et ne peut que continuer à s’aggraver dans le cadre actuel.
Il faut donc désormais oser s’en prendre au système et sortir absolument du mode de productivisme capitaliste dont nous dépendons toutes et tous, ce qui présente à n’en pas douter de très grandes difficultés.

La crise climatique : le défi majeur

En premier lieu, la crise climatique est désormais indiscutable : c’est une certitude scientifique. La hausse des températures sur Terre peut d’ores et déjà être estimée à 1,1 °C et elle promet d’avoir des conséquences catastrophiques lorsqu’elle dépassera 1,5 °C. Les premières conséquences sont aujourd’hui visibles mais il faut comprendre qu’elles seront exponentielles et engendreront bientôt, entre autres, que des centaines de millions de personnes seront menacées par des catastrophes naturelles, au premier rang desquelles la montée des océans. On peut raisonnablement estimer qu’au rythme actuel un milliard d’êtres humains seront en migrance dans les prochaines décennies.
La combustion des énergies fossiles est à 80 % responsable de cette évolution du climat mais elle couvre actuellement 80 % des besoins de l’humanité : c’est là tout le problème. Comment envisager une transition dans ces conditions ?
La communauté scientifique mondiale est pourtant aujourd’hui unanime : il faut tout faire pour diminuer de 100 % nos émissions de dioxyde de carbone d’ici 2050 ! L’effort à fournir est donc vertigineux, d’autant plus qu’il doit être envisagé au niveau mondial. Une conclusion incontournable s’impose : ce défi est impossible à relever sans sortir du productivisme actuel.

Des fausses solutions à la pelle

Alors ? Le capitalisme vert peut-il être une solution ? Et quid des énergies renouvelables ? La réponse de Daniel Tanuro est très claire : ces pistes de solution présentent un inconvénient majeur, celui de nécessiter des dispositifs techniques trop coûteux en énergie. La fabrication de panneaux solaires, par exemple, nécessite d’utiliser aujourd’hui une grande quantité d’énergie… fossile !
Il faut donc absolument et au plus vite produire moins et transporter moins : c’est la seule solution ! Les études les plus approfondies estiment qu’il faut désormais, au niveau mondial, réduire d’environ 50 % notre consommation d’énergie, ce qui est incompatible avec le modèle capitaliste.
Mais produire moins signifie aussi que de nombreux emplois doivent être supprimés, ce qui soulève un autre problème d’importance : comment opérer cette transition avec l’approbation des travailleuses et des travailleurs concernés et qui dépendent aujourd’hui de ces emplois ? Convaincre le monde du travail ne sera pas une mince affaire et il y a donc nécessité de proposer autre chose.

Inquiétudes et mobilisations ; effondrement ou écosocialisme

La jeunesse, les femmes, les paysans et les peuples indigènes sont aujourd’hui les fers de lance des manifestations pour « sauver le climat », mais le monde du travail est en retard car il est lié au productivisme, chacune et chacun étant dépendant de son salaire. C’est le défi actuel : changer de système tout en apportant des réponses satisfaisant la demande sociale. Comment faire pour combiner le défi écologique et la réponse aux besoins sociaux ? La réponse figure en partie dans la question : il faut un projet écosocialiste ! [2]

Et la seule hypothèse valable pour commencer à le construire est celle de la convergence de toutes les luttes en cours, puisque le patronat et la classe dirigeante ne souscriront jamais à un tel projet.

L’exemple de Notre-Dame-des-Landes est emblématique ; la lutte des zadistes fut exemplaire, car ils ont eu l’intelligence de transformer ce combat local en enjeu politique. Une des clés de sa réussite fut notamment son appropriation par le milieu syndical, et en particulier la CGT Vinci, qui s’est finalement prononcée et mobilisée contre ce projet d’aéroport (malgré les intérêts immédiats des travailleuses et des travailleurs), après de nombreux débats internes très approfondis en présence des zadistes. C’est assurément un exemple à suivre, partout.

Notons qu’historiquement le « progrès » n’a jamais fait l’unanimité : il y a toujours des craintes, des oppositions. Cela dit, il est évident que l’adoration globale pour le « progrès » est aujourd’hui en crise. L’époque appelle plutôt à se centrer sur le soin : à l’autre, à la nature… La réduction du temps de travail est ainsi un point essentiel à envisager et on peut estimer que trois heures de travail quotidien suffiraient à couvrir nos besoins. Cette perspective nous permettrait en outre de retrouver la maîtrise (essentielle) du temps.

Convergence des luttes, planification et autogestion

Il faudra quoi qu’il en soit associer démocratiquement l’ensemble de la population à toutes les décisions. Il y a donc nécessité d’élaborer un plan écologique et social pour un « vivre mieux » qui sera soumis à toutes les instances démocratiques nécessaires. Cette planification globale n’empêchera pas, bien au contraire, une appropriation et des formes d’autogestion, locales, au plus près du terrain.
Quant à nos modes de vie individuels, il doivent changer mais cela ne sera envisageable que dans un possible social. Sans transports collectifs gratuits, par exemple, il n’est pas forcément possible de se passer d’une voiture lorsqu’on habite en campagne. Mais cette contrainte n’empêche aucunement de faire un jardin en permaculture, etc.
Le chemin de ce renouveau passera nécessairement par la pratique de luttes émancipatrices collectives et auto-organisées qui seules pourront faire tâche d’encre et grossir les rangs de celles et ceux qui aspirent à un monde meilleur et comptent reprendre le pouvoir… sur leurs vies.

Actarius



Notes

[1Ce résumé ne peut qu’inviter à la lecture de son dernier livre : Daniel Tanuro, Trop tard pour être pessimistes ! Ecosocialisme ou effondrement, éditions Textuel, juin 2020.

[2Précisons ici que ce terme n’a rien à voir avec les thèses d’Europe Ecologie Les Verts ou du Parti socialiste...