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Quel merdier

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Je me suis souvent demandée dans quel monde on vit. Maintenant je me demande sans arrêt dans quel pays je vis.
Amèrement je vois nos droits tomber en lambeaux, piétinés par une élite hors sol. Béatement je regarde se multiplier les atteintes aux droits des citoyen-ne-s. Il y a ces faits, qui nous agacent, nous révoltent, nous atteignent. Et puis il y a notre attitude face à cela.

Comment agir collectivement, solidement, efficacement ? Que faire quand on nous prive de nos espaces de réflexion, de nos espaces de mise en commun ? Loin, très loin, de taper sur le numérique grâce auquel je suis précisément en train d’écrire ces quelques lignes, j’amorce une réflexion, tout sauf originale j’en conviens, sur notre mise en action dans ces conditions. Parce que le lien numérique ne permet pas de se sentir les un-e-s les autres, se ressentir. Le numérique rend nos interactions dépourvues de sens physique : il hache nos propos en direct, il refroidit nos mots, il freine nos élans. Sans parler de celleux qui n’y ont pas accès. Or : comment nous parler, comment nous motiver, comment nous solidariser quand il n’y a que le numérique voire plus rien du tout ? En fait : comment se protéger tous-tes ensemble ?

Notre autoprotection passe selon eux par notre séparation. Nous isoler c’est nous protéger. C’est tout le contraire en vrai, dans la vraie vie : ils nous ont choqué-e-s, les voici qui nous éteignent. Pour mieux nous opprimer, démuni-e-s de nos moyens d’autoprotection. Nos espaces associatifs pour s’organiser, nos espaces interpersonnels pour s’aimer, nos bars pour délier nos langues, nos Universités pour comprendre, nos lieux de culture pour s’éclairer,... sont fermés. Pour des raisons sanitaires, on l’entend, ou l’on s’efforce à l’entendre.
Pourtant parallèlement : une loi de destruction de la recherche et de la vie étudiante, une entrave majeure au droit d’informer avec le pire que cela promet, des inégalités et une pauvreté qui ne cessent de croître, une islamophobie au sommet (mais ils vont le dépasser, le sommet) comprenant des arrestations d’enfants... oui d’enfants, l’expulsion d’un camp d’exilé-e-s et les gazages et destruction de matériel qui l’accompagnent. À côté de ça, les premières (en réalité dernières) causes du quinquennat : inexistantes. Je veux parler bien sûr de l’action pour l’égalité Femmes-Hommes comprenant la lutte contre les violences faites aux femmes et l’écologie - si l’on voulait la séparer du reste. Je résume : plus de lieux pendant un temps indéfini mais déjà trop long pour nos luttes, mais des droits et des vies humaines matraqués et reniés. Et sans cet ensemble, sans ces lieux où se côtoyer, quelle pertinence peut-on donner à nos élans furibonds individuels (même si confortés par ceux des autres) ?

Puisqu’ils massacrent notre réalité, défions puis défaisons leur autorité. À chaque jour suffit sa raison de faire bloc. Je sais pas forcément comment, mais ne leur offrons pas l’instant qu’ils nous imposent pour les laisser répandre leur idéologie nauséabonde, raciste et autoritaire. Parlons, rencontrons-nous, réouvrons nos lieux clandestinement, ramenons nos vies là où ils ne les veulent plus : dans la rue, dans nos salles de projection, de spectacles (vivants les spectacles, est-il utile de le rappeler), dans nos locaux associatifs, dans nos amphithéâtres... Nos agora à tous-tes. Même pas pour parler d’eux, mais pour projeter mieux qu’eux : nous tous-tes.

Bon, le pire c’est que j’écris avec beaucoup d’envie mais si peu de moyens d’y parvenir sans risquer 135 balles au moins, son œil pour certain-e-s, sa vie pour d’autres. N’est-il pas incroyable que le voeu de se revoir vite pour réfléchir et/donc agir soit si utopique ? Franchement dans quel monde et dans quel pays on vit... !

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