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Liberté de circulation - Liberté d’installation

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Le 18 décembre est la Journée internationale des migrant-e-s. La Marche des solidarités, dont Chabatz d’entrar est partie prenante, organise sur tout le territoire des rassemblements et manifestations pour montrer l’existence d’un fort mouvement de solidarité dans les villes et les villages. Après l’acte 3 de la Marche nationale des sans-papiers (du 19 septembre au 17 octobre avec les dizaines de milliers de manifestants à Paris le 17), il faut continuer à faire monter la pression pour que l’accueil des réfugié-e-s, des migrant-e-s soit digne de ce nom.

Madjiguène Cissé est sénagalaise, elle a été une des porte-parole du collectif Saint-Bernard (plus d’infos ici). Dans son livre, Parole de sans-papiers, publié en 1999, elle décrit ce mouvement exemplaire des travailleurs sans papiers qui restera à jamais gravé dans les mémoires, notamment lors de l’expulsion de l’église Saint-Bernard (Paris XVIIIe) par les gendarmes mobiles. Ces fameux « clandestins » sortirent de l’ombre pour dire : « Nous ne voulons plus que la France continue de nous soumettre aux même relations qu’elle entretient avec les États de nos pays d’origine, faites d’exploitation, de mépris et de paternalisme. »

Des propos, presque vingt après, toujours d’actualité

« À toutes les époques, sous toutes les latitudes, les populations humaines ont défié les pires conditions, traversé déserts, mers, montagnes pour se fréquenter. Femmes et hommes, jeunes gens et vieillards, longs convois ou petites troupes, l’histoire de l’espèce humaine se confond d’abord avec cette migration qui, partant d’Afrique, lui permet de gagner la terre entière, ses continents et ses îles.
L’évolution des civilisations doit beaucoup à cette faculté qu’ont eue tous les peuples d’échanger leurs privilèges respectifs. Fabriquer et traverser des frontières a toujours été l’une des modalités de la construction des sociétés. Cette dynamique a tracé les frontières, les a modifiés, à la suite de traités conclus en temps de paix ou dictés aux vaincus en aval des conflits.
Guerres ou mariages, alliances ou conquêtes, les hommes n’ont jamais cessé de se rencontrer, de se croiser, de se mêler, bref, de brasser l’espèce. Agriculteurs, pasteurs et chasseurs, les uns pour chercher des terres plus fertiles, les autres poursuivant leur gibier au-delà des territoires connus, ont toujours franchi des frontières. Frontières symboliques ou coutumières, bornes réelles ou imaginaires n’ont que rarement arrêté ces mouvements.
Peu à peu les errances se transformaient en routes commerciales, les nomadismes en invasions et conquêtes. On échangea des coups, mais aussi le sel contre le blé, le fer contre la viande, on mêla les coutumes et les connaissances. Tout cela construisit les civilisations. […]
Les guerres, tribales ou mondiales, ont elles aussi entraîné des déplacements parfois importants de populations, fuyant la mort, les viols, la torture, la pénurie et la misère.
Pendant plus de dix siècles, l’Europe fut investie, bouleversée par les migrations venues de l’Est : Gaulois et Goths, Francs, Germains et Huns. Les traces de ce brassage sont aujourd’hui oubliées par ceux qui cherchent la pureté de la race, du peuple, de l’ethnie, de la communauté. Puis l’Europe a cru être le centre du monde. Le destin de ses populations émigrées la conforta dans cette illusion.
Espagnols et Portugais ont colonisé l’Amérique du Sud. À partir du XVIIIe siècle des millions d’Allemands, d’Irlandais, puis d’Italiens ou de Polonais ont émigré vers les États-Unis d’Amérique.
D’autres émigrations, plus courtes, s’installèrent, celles du travail qui amenèrent les Italiens en France, les Turcs en Allemagne…
Partout, de tout temps, intégrés, dissous ou exclus, poursuivis et vilipendés, les migrants ont fini par vivre côté de leurs semblables différents. Cela a pris des années ou siècles. Ce chemin sera parcouru par les nouveaux migrants.
Car il y a des droits humains, des droits qu’on tient du seul fait d’être des humains. Quand ces droits sont menacés, on a légitiment raison de se battre pour la conquête de leur restauration. Tout humain a le droit, dans la continuités de ses ancêtres, de voyager, de transhumer, bref de circuler, de recevoir et d’être reçu.
Les réfugiés d’aujourd’hui et de demain sont-ils plus nomades que les explorateurs qui, des siècles durant, sont partis de Bordeaux, de Nantes ou de Lisbonne ? Y a-t-il au monde un peuple qui soit irrémédiablement sédentaire ? La liberté de circulation n’est pas une invention. Elle consacre un état de fait. Les sans-papiers de Saint-Ambroise, un jour, ont demandé cela, juste cela. Et la France, depuis, débat, se bat, s’insurge, raisonne et, parfois, déraisonne. »

Alors, encore une fois, ce vendredi 18 décembre : ne laissons pas ceux qui nous gouvernent semer la misère, le désespoir, le racisme et la haine !
Retrouvons-nous à 17h30 devant la préfecture de Limoges


Lampions, torches, de quoi faire du barouf sont les bienvenus.