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Une ligne rouge en forêt : arrêt des coupes rases de feuillus

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UNE LIGNE ROUGE EN FORÊT : ARRÊT DES COUPES RASES DE FEUILLUS

Prochain rendez-vous : SAMEDI 21 JANVIER à 14H AU BOIS DU CHAT, sur la D160 entre Tarnac et Peyrelevade (à 2 km de Tarnac), puis à 18h à la salle des fêtes de Tarnac, projection du film Le Temps des forêts.

Le cas du Bois du Chat

La coupe de feuillus entamée en décembre 2022 au Bois du Chat, à la sortie de Tarnac en direction de Peyrelevade, est en passe de devenir le symbole d’un certain type d’exploitation forestière dont nous ne voulons plus sur le plateau de Millevaches.

Sur la page d’accueil du site de la société ARGIL, responsable du carnage entamé au Bois du Chat, nous pouvons lire un plaidoyer pour la sylviculture durable : « Pour respecter la diversité d’animaux et de plantes, il est primordial de surveiller la santé et la vitalité de vos forêts ». Sur les sites internet du Parc naturel régional de Millevaches, de la Région Nouvelle-Aquitaine, des Ministères de l’agriculture et de la transition écologique, nous retrouverions bien sûr les mêmes mots.
Pourtant, samedi 21 janvier nous vous invitons à venir constater sur place ce qui est encore autorisé par la loi et la réalité cachée derrière les mots « énergie renouvelable » et « sylviculture durable » ! Les travaux ont commencé, prétendument le chantier est légal, l’avant/après est éloquent :
– En vue d’une plantation de résineux, un projet de coupe rase d’une vingtaine hectares de feuillus sur les fortes pentes particulièrement sensibles à l’érosion des bords de Vienne, en Zone de Protection Spéciale Natura 2000, au cœur du PNR de Millevaches.
– Une rampe de débardage de plus de 800 m écrasant au passage un ruisseau, effectuée au bulldozer.
– La destruction totale d’une forêt magnifique a commencé au milieu de chênes et de hêtres plus que centenaires et d’une quantité innombrable d’espèces protégées, voire considérées comme patrimoniales comme les chauves-souris et les pics noirs. À l’heure où les monocultures de résineux souffrent sous l’effet des sécheresses et des parasites, ces forêts autochtones sont les mieux à même de résister au changement climatique et d’offrir un refuge à une biodiversité en effondrement partout ailleurs.
Le comité de défense du Bois du Chat invite les habitantes et habitants de la Montagne limousine, ainsi que les élu(e)s et les représentant(e)s des organisations professionnelles des métiers de la forêt à venir rendre acte de ce qui se passe sur le terrain, à condamner clairement ces pratiques et s’engager pour la protection des forêts de feuillus.

Plus largement, nous appelons les pouvoirs publics à produire l’encadrement nécessaire à partir des bonnes pratiques et des limites claires demandées par les professionnels, les scientifiques et bien des habitant.es.

En attendant, nous ne pouvons compter que sur la désobéissance civile et sur nous-mêmes pour faire respecter d’ores et déjà une règle consensuelle et minimale : pas de coupe rase de feuillus de plus de 1 hectare.

Pour ce faire nous appelons toutes et tous à créer dans chaque village des comités de défense des forêts de feuillus.

Habitantes et habitants de la Montagne limousine, ne nous laissons pas diviser par les industriels et leurs politiques : il n’y a pas, d’un côté des écolos donneurs de leçons qui refusent de couper les arbres de Bambi, et de l’autre des abrutis prêts à tout niquer pour le profit.
La propriété privée des forêts en particulier, comme la législation en général, souvent évoquées pour légitimer le statu quo, doivent être repensées si elles veulent rester conciliables avec la survie, le bien-être et l’interdépendance des communautés humaines et non-humaines.
Les conséquences de l’exercice de ce droit de propriété sur le sol, l’eau, la faune et le paysage ne peuvent pas retomber sur la collectivité. Nous pouvons y réfléchir ensemble.

Malgré les dégâts et la violente dégradation des pratiques sylvicoles que les rapports de force économiques engendrent, nous voulons exprimer notre soutien à la majorité des travailleuses et travailleurs forestiers qui connaissent et aiment la forêt dont ils dépendent. Comme dans la plupart des métiers actuellement, ces personnes sont acculées vers des pratiques qu’elles savent nocives à long terme. À nos amis forestiers, nous n’avons rien à apprendre et n’avons pas de reproches à faire : la pression exercée sur eux par l’économique et l’écologie lunaire des politiques publiques sont déjà difficilement supportables. Ce que nous cherchons au contraire c’est à faire entendre les confidences qu’ils nous font, à l’écart du vacarme des chantiers qu’il faut finir coûte que coûte pour ne pas payer de pénalités contractuelles d’approvisionnement, ils nous disent clairement : une coupe rase de feuillus spontanés n’est pas bonne, ni pour la terre, ni pour les arbres, ni pour eux, ni pour les propriétaires et encore moins pour les générations futures, c’est un saccage de la terre comme du métier.

D’un côté, les politiques publiques soutiennent à grands frais une vision de l’écologie à court terme encore inspirée de l’exploitation minière : en récoltant d’un seul coup tout le bois d’une parcelle avec ces méthodes d’un autre âge, les exploitants ont sévèrement altéré l’écosystème pour les 150 ans à venir. De l’autre, la voracité des capitaux investis dans les infrastructures titanesques (Malarini à Meymac, Gatignol à St Angel, Isorois à Ussel, Farges à Égletons, Herment dans le Puy-de-Dôme, etc.) installées tout autour du Plateau de Millevaches, exerce une prédation implacable sur les forêts et les entreprises qui les approvisionnent, elles-mêmes contraintes par le remboursement de leurs investissements.

Notre objectif n’est pas tant de montrer du doigt tel ou tel professionnel, les coupes à blanc de feuillus spontanés étant devenues monnaie courante, mais de montrer les effets concrets des rapports de forces financiers qui mènent une profession au suicide. Nous sommes déterminés à maintenir et multiplier ce type de blocage tant qu’une solution ne sera pas trouvée avec les pouvoirs publics pour réguler intelligemment une concurrence au service des savoir- aire de terrain, de la forêt et des générations futures et desserrer l’étau dans lequel la profession et la forêt sont prises.

En finir avec les coupes rases

Alors qu’elle reste le modèle dominant en Nouvelle-Aquitaine, et notamment sur la Montagne limousine, la pratique des coupes rases est très sévèrement encadrée, voire interdite, chez nos voisins suisses, belges, allemands, autrichiens, slovènes et italiens. C’est donc qu’un changement des pratiques est viable pour la filière. L’économie, qui jusque-là nous maintenait les uns contre les autres, n’est pas un obstacle : pour preuve, les prix peuvent s’adapter, ils ont presque doublé en 2022, certaines entreprises aux pratiques raisonnées sont d’ores et déjà financièrement viables et nous pouvons nous protéger de certaines logiques financières à l’aide de règles et compensations que notre détermination commune doit imposer. L’élaboration des lois est toujours l’expression d’un rapport de forces, et celui-ci pourrait évoluer dans les temps à venir car bien des territoires appellent un changement, c’est le cas notamment dans le massif du Morvan où la question forestière se pose de façon relativement similaire à celle du Plateau de Millevaches. Il se trouve que, dans le cadre d’une mission d’information sur « l’adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers », présidée par Madame Catherine Couturier, députée de la Creuse, des échanges et tables rondes vont réunir collectivités, institutions, associations, groupements forestiers et exploitants. Nous souhaitons que ces travaux participent à la construction d’un dialogue, un vrai dialogue où l’ambition est de défendre l’excellence d’un métier, comme la survie des écosystèmes.

Alors que la temporalité des Hommes modernes s’est contractée entre un passé révolu et un avenir plus qu’incertain, nous avons besoin de la temporalité des arbres qui jusque-là nous avaient aidés à penser au-delà de nos générations. Plus que jamais nous avons besoin que les Hommes et Femmes de terrain qui travaillent avec la forêt puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Comme nous le savons tous, les effets des sécheresses de plus en plus prolongées sont une menace et un défi à l’intelligence humaine comme des écosystèmes, ce n’est vraiment pas le moment de nous laisser diviser.

Nous sommes du côté du vivant

Ce que nous demandons est simple et minimal, inspiré du bon sens des anciens : « Léguons à nos enfants une terre en meilleur état que celui dans lequel nous l’avons trouvée ! ».

Nous pourrions dire tout cela autrement, nous pourrions dire qu’une forme de guerre est faite au vivant. Cette guerre a commencé il y a bien longtemps et nous nous y engageons aujourd’hui. Nous sommes évidemment du côté du vivant et traçons aujourd’hui à même le sol, une ligne rouge qui ne sera plus jamais franchie : il n’y aura plus de coupe rase de feuillus spontanés, c’est désormais un crime, non pas un crime contre l’humanité seulement, un crime contre le vivant. Ce sol est notre passé, comme il est notre avenir, solennellement nous lui faisons cette promesse.

Le comité spontané de défense du bois du Chat


P.-S.

Contact : boisduchat@riseup.net