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A propos du projet d’usine à pellets BIOSYL et de l’exploitation forestière

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Mercredi 29 novembre, la préfète de la Creuse annonçait en conférence de presse qu’elle n’exigerait pas que le dossier déposé par l’entreprise Biosyl pour l’implantation d’une usine à pellets sur les communes de Guéret-Saint Fiel soit soumis à une enquête publique. Sa décision, s’agissant d’une usine qui va consommer 120 800 tonnes de bois dans un rayon de 150 km pour produire 85 000 tonnes de granulés, soumise à la législation ICPE (installation classée protection de l’environnement) et malgré l’avis défavorable de la commune de Guéret, a provoqué une vague de protestation à laquelle nous nous associons.

LETTRE OUVERTE A MADAME LA PREFETE DE LA CREUSE
A PROPOS DU PROJET D’USINE A PELLETS BIOSYL ET DE L’EXPLOITATION FORESTIERE EN LIMOUSIN
Lettre adressée en copie à Biosyl et Unisylva

Madame la Préfète de la Creuse,
Mercredi 29 novembre 2023, vous avez annoncé laisser le dossier de l’usine à pellets Biosyl, Installation Classée Procédure Environnement (ICPE), sous le régime de l’enregistrement, permettant par là l’installation de Biosyl à Guéret dès l’année prochaine.
Nous vous écrivons cette lettre ouverte en réaction à vos interventions médiatiques pour annoncer cette décision car certains des propos que vous tenez ne sont pas soutenables pour des personnes s’intéressant aux forêts et à leurs enjeux. Nous pensons qu’ils sont révélateurs d’un manque de connaissance sur les questions forestières et environnementales. Madame la Préfète, avec tout le respect que nous vous devons, nous nous sentons dans l’obligation de vous faire remarquer que beaucoup de vos arguments ne sont nullement étayés scientifiquement et sont, de fait, erronés. Vous ne maîtrisez visiblement pas le sujet et nous sommes choqués par les propos que vous tenez. Nous regrettons que votre fonction, de par son autorité, puisse servir de relais à des pseudos-connaissances et des contre-vérités. Nous estimons, pour des raisons éthiques,
écologiques et scientifiques, qu’il est de notre devoir, en tant que citoyens et citoyennes, d’informer et de rétablir les faits. Par là nous souhaitons rendre justice à ces formidables et complexes écosystèmes que sont les forêts mais aussi aux habitants qui en bénéficient en vivant et en travaillant sur ce territoire. Nous souhaitons aussi rendre public ce qui est dissimulé par le projet d’usine à pellets de Biosyl, dénoncer sa propagande et la désinformation qui en résulte. Par conséquent, nous comptons vous démontrer par cette lettre ouverte que les arguments et les éléments de langage que vous utilisez pour soutenir le projet d’usine à pellets de Biosyl ne sont pas valables et qu’une enquête publique est plus que nécessaire pour ce projet. Pour parvenir à cette fin nous nous appuierons sur les données de l’Inventaire Forestier National, du Snupfen Solidaires (syndicat de l’Office National des Forêt) et du Centre National de la Propriété Forestière. Nous nous appuierons aussi sur notre propre expertise dans le domaine forestier ainsi que notre connaissance du territoire, territoire sur lequel nous vivons et où nous constatons tous les jours les méfaits des coupes rases.

Cadre de notre analyse

Tout d’abord nous tenons à poser le cadre de notre analyse. Nous consignons donc ci-dessous les propos que vous avez tenus dans la presse et auxquels nous réagissons dans cette lettre ouverte.
Voici ce que nous relevons lors de votre interview donnée sur France Bleu Creuse le 29 novembre, interview que l’on peut réécouter sur le lien suivant : https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-de-france-bleu-creuse/la-prefete-de-la-creuse-explique-sa-decision-de-donner-le-feu-vert-a-l-usine-de-granules-bois-biosyl-a-gueret-3308538
Après avoir longuement récité des chiffres, en apparence sérieux, mais en fait peu représentatifs de la réalité et de l’impact que serait l’usine à pellets Biosyl vous dites :
Madame la Préfète : « Biosyl va prélever 160 000 m3 chaque année […] c’est à peu près 20% de la ressource [disponible] donc ça n’impacte en rien la croissance de la forêt, et au contraire, c’est un élément positif parce qu’une forêt qui n’est pas entretenue dépérit. C’est le cas de la forêt creusoise. »
Journaliste : « Pourquoi elle dépérit ? Parce qu’on se dit que c’est le cycle naturel d’une forêt d’avoir du bois mort, de se régénérer petit à petit. On sait que le bois mort c’est 50% de l’écosystème de la forêt. »
Madame la Préfète  : « Oui tout à fait sauf que une forêt qui vieillit et qui dépérit, en raison aussi du réchauffement climatique puisque nous avons des espèces qui ne sont plus adaptées aujourd’hui aux températures que nous connaissons, donc une forêt qui dépérit devient moins efficace pour séquestrer le carbone et donc il est nécessaire de couper des arbres. Alors c’est un peu contre-intuitif mais pour qu’une forêt vive, il faut couper des arbres. »
Journaliste : « Est-ce qu’il y a urgence à ça ? A couper ces arbres ? »
Madame la Préfète : « Oui absolument parce que aujourd’hui la forêt n’est pas suffisamment prélevée donc pas suffisamment entretenue parce que nous manquons de filière et notamment pour les feuillus, ce qui est le cas de Biosyl à 80% ».
Dans la même journée, le quotidien La Montagne relève des propos analogues :
« C’est un peu contre-intuitif, mais quand une forêt dépérit, il faut couper des arbres et replanter.
Plus un arbre vieillit, moins il capte de carbone, et là, il est impératif de le couper. La seule manière qu’on a d’entretenir la forêt, c’est de planter des essences nouvelles et de faire en sorte que la captation de carbone perdure. Beaucoup de gens, et c’est naturel, s’imaginent que quand on coupe des arbres, on détruit la forêt. Mais dans certaines conditions, on coupe des arbres pour permettre sa régénération. »
Maintenant que nous avons posé le cadre, procédons à notre analyse.

Quand vous parlez de « la forêt »

Pour commencer, nous tenons à rappeler ce qui se cache derrière le mot « forêt ». Car, quand on parle de « la forêt » on parle en fait de nombreuses choses à la fois. Par définition une forêt est une vaste étendue d’arbres (Larousse). Ce terme entretient parfois un flou que vous maintenez, Madame la Préfète. Les forêts françaises regroupent une multitude de vastes étendues d’arbres avec des spécificités différentes. Pour vulgariser on pourrait dire qu’à un opposé il y a les forêts anciennes, riches en biodiversité, sur lesquelles l’humain intervient peu ou pas. A l’autre opposé il y a les forêts industrielles, des plantations, des rangées d’arbres en rang d’oignons, plantés tous au même moment et tous de la même essence (ce qu’on appelle une futaie régulière monospécifique). Et entre ces deux « extrêmes » de nombreuses déclinaisons. Vous vous préoccupez peu de ces déclinaisons et regroupez tout sous un seul et même terme, à savoir « la forêt ».

L’argument du dépérissement

Madame la préfète, vous invoquez à de nombreuses reprises l’argument du dépérissement pour justifier les coupes rases, la replantation, et soutenir le projet iosyl. Même si l’Inventaire Forestier National (IFN) relate une augmentation de la mortalité des arbres sur ces dernières années, le dépérissement des forêts et des plantations n’est pas la règle mais l’exception. L’IFN précise que « le dépérissement est notamment dû aux crises sanitaires liées à des conditions climatiques à la fois difficiles pour les arbres (sécheresses) et propices aux insectes xylophages, notamment les scolytes ». Nous savons que ces conditions sont tout à fait réunies sur les parcelles souffrant de « malforestation », autrement dit les parcelles exploitées en futaies régulières monospécifiques.
Pour preuve, ce sont presque exclusivement les monocultures d’épicéas qui ont été impactées par la crise du scolyte, l’exemple majeur de dépérissement de parcelles forestières en France Métropolitaine et en Allemagne.
Les forêts convoitées par Biosyl sont majoritairement feuillues. Les forêts de feuillus limousines, les plus jeunes comme les plus anciennes, sont très souvent pleines de vitalité. Elles sont plus diversifiées que les plantations en monoculture et elles sont en relativement bonne santé sur notre territoire. Elles ne sont pas dépérissantes comme vous voudriez nous le faire croire. Le Centre National de la Propriété Forestière Nouvelle Aquitaine estime, avec l’aide de son outil BioClimSol, que la plupart des essences de feuillus endémiques (hêtres, chênes, bouleaux par exemple) ont toutes leur chance de rester en station sur le territoire malgré le changement climatique. Ainsi, raser des forêts de feuillus saines et avec du potentiel afin d’alimenter une usine à pellets pour ensuite replanter des monocultures, et ce avec de l’argent public (plan France Relance), est une aberration.
Notons par ailleurs que la mortalité des arbres est un phénomène naturel et nécessaire pour favoriser la biodiversité dans les forêts, leur bonne santé, leur fertilité ainsi que leur résilience face au changement climatique. (La mortalité annuelle moyenne est de 0,7 m3 par hectare par an, la production annuelle moyenne de bois est de 5,5 m³ par hectare par an, données IFN).
Le dépérissement n’est donc pas un argument valable pour justifier l’implantation de l’usine à pellets Biosyl.

L’argument de la séquestration du carbone

C’est ensuite, Madame la Préfète, l’argument de la séquestration du carbone que vous invoquez pour justifier les coupes d’arbres. La séquestration du carbone est un argument souvent employé dans les débats sur les questions environnementales et forestières, mais il est surtout employé pour expliquer tout et n’importe quoi. En mélangeant dans votre intervention séquestration du carbone et usine à pellets Biosyl vous faites des associations d’idées qui sont aux antipodes. Nous allons donc faire le point à ce sujet.
Vous dites que plus un arbre vieillit et moins il capte de carbone. Cela n’a aucun sens. Un arbre de 50 ans est un arbre de 40 ans qui a vieilli. Capte-t-il moins de carbone ? Pouvez-vous nous dire à partir de quel âge cet arbre cesse de croître et de capter du carbone ? Avez-vous déjà vu des courbes d’accroissement ? Savez-vous comment évolue la surface terrière d’un peuplement en fonction de
ses spécificités ? Prenez-vous en compte les différentes essences et leurs différentes stations ?
Quelles sont les incidences de tous ces paramètres sur la séquestration du carbone en forêt et quels sont les différents processus à l’œuvre pour séquestrer le carbone ? Vous êtes-vous posé ces questions, Madame la Préfète, avant d’invoquer l’argument de la séquestration du carbone pour soutenir l’installation de Biosyl sur notre territoire ? Ne pensez-vous pas que toutes ces questions vaillent la peine d’être étudiées dans une enquête publique ?
Puisqu’il est question de « forêts de feuillus », parlons par exemple d’un arbre feuillu des plus emblématiques en France, à savoir le chêne. On dit qu’il faut 300 ans à un chêne pour grandir, 300 ans pour rester et encore 300 ans pour décliner. En forêt de Tronçais ce sont des chênes de plusieurs centaines d’années qu’on exploite. Ces derniers n’ont cessé de vieillir et de capter du carbone. Le chêne de Montaloyer en forêt de Tronçais est âgé de presque 400 ans et il fait 24 m3 de volume.
Son accroissement annuel moyen est donc de 0,06 m3/an. Les douglas, réputés pour leur vitesse de croissance, font environ 3 m3 à 50 ans. Cela fait donc un accroissement annuel moyen 0,06 m3/an.
Lequel de ces deux arbres capte le plus de carbone ? Nous voyons bien que cela n’a pas de sens de dire que plus un arbre vieillit et moins il capte de carbone... Une question qu’il serait plus pertinent de poser c’est : quelle type de forêt séquestre le plus de carbone ? En l’occurrence, les forêts qu’on qualifie de « poumons de la planète » ce sont les forêts primaires, avec de vieux arbres, non les plantations avec de jeunes plants. Il est admis couramment et internationalement que ce sont les forêts primaires qui séquestrent le plus de carbone, et ces forêts sont anciennes et non « entretenues ».
Ensuite, lorsqu’un arbre périt ou dépérit, il finit par tomber sur le sol et son carbone est donc finalement stocké dans le sol. De nombreuses études affirment que ce stockage du carbone dans le sol forestier entretient la fertilité de la forêt. C’est ce qu’on appelle la fertilité carbonée. C’est ce processus qui est à l’œuvre dans les forêts primaires, et c’est en partie pour cette raison que ces forêts sont plus que remarquables pour leur biodiversité, leur résilience et leur capacité à séquestrer le carbone (dans le bois sur pied et dans le sol). Si un arbre qui dépérit est coupé pour en faire des granulés à bois, le carbone qu’il séquestre sera rejeté dans l’atmosphère au lieu d’être stocké dans le sol et de participer à la fertilité de la forêt.
Par ailleurs, comme nous allons le voir dans la suite de cette lettre, les coupes de bois sont en majorité des coupes rases. Qui plus est, elles sont presque systématiquement accompagnées par la pratique du dessouchage. Cette pratique détruit sur le long terme le sol forestier et sa fertilité. De plus, un quart à un tiers du carbone stocké dans le sol est relâché dans les quatre à cinq ans qui suivent une coupe rase, par minéralisation de la matière organique, et cela est encore pire lorsque le sol est travaillé pour replanter ! Ces pratiques sont dramatiques en termes d’impact carbone, surtout quand on sait qu’en France Métropolitaine, le sol constitue 60% du stock de carbone forestier total (source Snupfen, syndicat de l’Office National des Forêts).

Pour alimenter l’usine à pellets Biosyl le bois feuillu sera prélevé en coupe rase comme cela est la norme. Pour parvenir à fabriquer vos pellets, il faudra donc des engins forestiers qui consomment des énergies fossiles et émettent du carbone. De même il faudra du transport qui émet du carbone. Il faudra ensuite réduire des troncs d’arbres entiers en sciure et faire passer le tout dans une presse pour faire des pellets, consommant là encore une quantité d’énergie colossale. Enfin, pour couronner le tout, les pellets de Biosyl iront en bout de chaîne brûler dans le poêle à granulés du contribuable (ce dernier pensant peut-être faire une bonne action pour le climat suite à la propagande de Biosyl) relâchant ainsi du carbone dans l’atmosphère !
Il faut donc arrêter d’invoquer l’argument de la séquestration du carbone à tout va et n’importe comment. De plus, ce point a tendance à trop attirer l’attention des politiques et a oblitéré d’autres sujets importants comme la biodiversité ou les services écosystémiques rendus par les forêts.

L’histoire racontant que les forêts vont être gentiment « entretenues »

Madame la Préfète, vous dites qu’il faut couper et replanter, pour alimenter l’usine à pellets Biosyl et la filière. Mais nous, habitants, nous savons très bien que quand il est question de replanter c’est qu’il est aussi question de coupe rase car nous voyons cela à l’œuvre tous les jours ! On replante essentiellement des arbres sur les parcelles qui ont été rasées, et non dans les forêts « entretenues ».
C’est ce qu’il se passe sur le territoire avec le plan France Relance. Nous connaissons bien ce plan et les pratiques des coopératives qui en résultent. Nous connaissons bien aussi les pratiques de la coopérative Unisylva qui doit fournir l’usine Biosyl en bois. Partout sur le territoire nous voyons chaque année des centaines d’hectares de forêts de feuillus dites « pauvres » être rasées puis replantées en monoculture de douglas. L’histoire racontant que la forêt va être gentiment entretenue et qu’on va aller couper un arbre par-ci par-là est on ne peut plus mensongère. Le volume de bois extrait par un simple « entretien » n’est pas assez important et l’opération trop méticuleuse pour être rentable. Il est nettement plus rentable de tout raser et de replanter avec l’argent public du plan France Relance, chose dont Unisylva ne se prive pas ! Dans son enquête sur le plan de relance l’association Canopée Forêts Vivantes fait le bilan suivant :
• 87% des projets financés par le plan de relance impliquent des coupes rases.
• Dans 83% des cas, le plan de relance permet des plantations en monoculture. Dans les 17% restants (lorsqu’une parcelle fait plus de 10 hectares), il n’exige qu’une très faible diversification.
• Le douglas est l’arbre le plus planté grâce au plan de relance. Cet arbre n’est pas particulièrement bien adapté au changement climatique : c’est surtout l’arbre parfait pour industrialiser davantage la gestion forestière Unisylva et les autres coopératives forestières rasent des forêts de feuillus qu’elles qualifient de « pauvres » pour replanter des monocultures de douglas avec le plan France Relance. Les coopératives se couvrent, comme vous Madame la Préfète, avec des arguments de séquestration du carbone, de renouvellement forestier et d’adaptation de la forêt au changement climatique... Mais ils ne cessent en réalité de faire des coupes rases, tellement que cela est nettement visible depuis satellites (données du programme Global Forest Watch de l’université du Maryland) ! Le Limousin est un des territoires les plus sinistrés de France par les coupes rases. Nous, habitants, en voyons de nouvelles tous les jours. L’usine à pellets Biosyl va en fait donner un débouché de choix pour les coupes rases de forêts de feuillus que la filière qualifie de « pauvres » ! Mais ces forêts ne sont pas pauvres !
Il n’est pas forcément nécessaire d’entretenir les forêts pour les empêcher de dépérir ou pour séquestrer du carbone. Certes, certaines interventions permettent de les façonner pour certains usages ou d’améliorer leur productivité, mais les forêts n’ont pas spécialement besoin d’être entretenues pour être bonne santé. Les forêts existaient bien avant que nous inventions les usines et les politiques forestières. Si les forêts sont aujourd’hui en péril c’est en grande partie à cause de nos interventions et de nos pratiques. Ne transformons pas le fauteur en sauveur.
Au lieu de dire qu’il faut entretenir les forêts, il serait plus honnête de dire qu’il faut exploiter les forêts pour que quelques-uns fassent du profit. Aucune ambiguïté là-dessus, puisque le porteur de projet n’hésite pas à parler de « gisements » forestiers.
L’entretien des forêts n’est pas un argument valable pour justifier l’implantation de l’usine à pellets Biosyl.

Et la biodiversité dans tout ça ?! Et la qualité de vie ? Et le paysage ?

Car oui, Madame la Préfète, vous parlez de la forêt en termes de chiffres et de carbone mais qu’en est-il de la biodiversité dans tout ça ? Les forêts de feuillus de notre territoire que la filière qualifie de « pauvres » sont en fait les forêts de feuillus de demain, des forêts à la fois diversifiées et résilientes face au changement climatique. Ces forêts sont souvent des friches, des taillis ou des futaies naissantes. Elles sont le refuge et le lieu de vie d’une multitude d’espèces animales et végétales. Elles sont donc en quelque sorte nos « réservoirs de biodiversité ». Il faudrait les protéger au lieu de les raser. Sur notre territoire il y a aussi de nombreuses sources qui s’y trouvent, sources qui alimentent nos ruisseaux et nos rivières. Vous parlez peu de ces aspects dans vos argumentaires.
C’est à se demander si vous avez déjà vu une coupe rase Madame la Préfète ? Car après le passage des machines, il n’y a plus aucun refuge pour les animaux, et tout un habitat et un écosystème sont réduits à néant.
Par ailleurs, vous mentionnez peu l’impact de l’exploitation forestière sur le paysage et son incidence sur le tourisme et l’activité économique qui en résulte. Pareillement, vous ne faites pas allusion aux impacts de l’exploitation forestière sur la qualité de vie des habitants (nuisances sonores, sécurité routière, détérioration des routes et des pistes forestières, frais supplémentaires pour les communes, etc). Et puis, comme nous l’avons vu précédemment, les forêts nous rendent de nombreux services, services qui ne sont pourtant pas pris en compte économiquement. Il y a, par exemple, la protection de la ressource en eau, un enjeu de santé parmi d’autres. A ce sujet, une étude récente de l’université de Limoges établit un lien de corrélation direct entre coupe rase et pollution de l’eau, ce qui rend l’eau de certaines nappes phréatiques impropre à la consommation. Cela est le cas dans le hameau de Drouillat à Peyrelevade où le captage est pollué à l’aluminium suite à une coupe rase... De quoi avoir quelques inquiétudes et nécessiter à nouveau une enquête publique.

Pour conclure, parlons de votre rhétorique

Par conséquent, pour toutes les raisons que nous avons évoquées précédemment, les éléments de langage que vous employez tels que « c’est un peu contre-intuitif » ou encore « beaucoup de gens, et c’est naturel, s’imaginent que quand on coupe des arbres, on détruit la forêt » témoignent d’une méconnaissance du sujet et d’une certaine condescendance vis-à-vis d’une population attachée au territoire où elle vit. Cette population, en demandant une enquête publique, est dans son droit.
L’enquête publique est la marque d’une démocratie en bonne santé, surtout face à un projet destructeur et toxique sous de nombreux aspects. Oui, quand on coupe des arbres tel qu’on les coupe sur notre territoire on détruit la forêt ! Sortez de votre bureau Madame la Préfète de la Creuse, venez constater avec nous la réalité sur le terrain.
Madame la Préfète, par votre positionnement vous défendez les intérêts d’industriels au lieu de défendre les intérêts de votre territoire et de sa population. Vous dites que la forêt creusoise dépérit, nous sommes un petit peu d’accord avec vous sur ce point-là. Mais elle ne dépérit pas pour les raisons que vous pensez. Les forêts creusoises, tout comme beaucoup d’autres forêts de France, dépérissent parce qu’elles sont victimes de coupes rases, de dessouchage, de malforestation et de pratiques industrielles peu scrupuleuses, pratiques que vous défendez par votre prise de parti et votre politique. Si l’usine à pellets de Biosyl s’installe, une fois que vous aurez fait votre travail, un jour ou l’autre vous partirez dans un autre département. Mais nous, nous ne partirons pas et nous pâtirons de vos décisions prises à la légère, et nos enfants et les enfants de nos enfants aussi.
Vous dites qu’il n’y a pas besoin d’enquête publique car « le temps ne nous aurait pas donné d’éléments de réponse supplémentaire » ? Nous venons de vous démontrer le contraire. Mais peut-être avez-vous été mal renseignée par les « services de l’Etat » et le porteur de projet ? Vous pouvez toujours changer d’avis.
Il y a eu énormément de contributions écrites de nos concitoyens lors de la phase de consultation publique. Les avez vous lues ? Madame la Préfète, vous feriez honneur à votre fonction et à la démocratie en ordonnant cette enquête publique. Nous, habitants du Limousin, pensons très sincèrement que l’enquête publique est plus que nécessaire.
En vous remerciant d’avoir pris connaissance de nos arguments, recevez, Madame la Préfète de la Creuse, l’expression de nos sentiments les plus distingués.

Groupe Forêt du Syndicat de la Montagne Limousin