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Usine à Pellets de Bugeat-Viam : nous sommes tous concernés

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Depuis quelques mois on nous annonce un projet d’usine à « pellets torréfiés » sur les sites de l’ancienne gare bois et de l’ancienne usine de recyclage de pneus située sur Viam et Bugeat. Mais dès qu’on cherche à comprendre de quoi il s’agit précisément, on voit que ce projet soulève de graves questions.

En quoi consiste le projet et qui le porte ?

Il s’agit de broyer du bois vert pour produire des « pellets torréfiés » afin de fournir en combustible des centrales électriques fonctionnant au charbon souvent situées en périphérie des grandes villes. Les porteurs du projet expliquent qu’ils auront besoin de 100 000 tonnes de « biomasse » par an provenant de souches, branchages, rémanents forestiers [1] ou de taillis issus de la déprise agricole, qui seraient prélevés dans un rayon de 80 km autour du site dans l’espoir de produire à terme 45 000 tonnes annuelles de combustible.

Le projet est porté par Carbon Ingen’R Bugeat-Viam (CIBV), entreprise créée pour l’occasion, filiale de la société SOMIVAL, société d’Ingénierie et de Conseil, dont le président, Pierre-Henri Gaudriot, est notamment connu pour avoir été vice-président du conseil général de Creuse tout en jouant opportunément un rôle en tant qu’acteur économique dans la région sur le marché de l’eau potable. La CIBV est cofinancée par le fonds régional Dynalim et par le groupe Eiffage, et prévoit d’autres participations.

Des impacts profondément nuisibles sur les forêts, les sols et l’eau

Ce projet est la promotion d’une exploitation toujours plus déraisonnable de la forêt qui nous mène vers un appauvrissement irréversible des sols :

« Prélever les rémanents, souches... » signifie priver le sol des seules matières organiques qui restent après l’exploitation d’une parcelle surtout après une coupe rase. Ce sont ces matières qui permettent au sol et à la vie qu’il contient de se renouveler. Les simples rémanents peuvent représenter 25 à 50 % des parties aériennes de l’arbre, une quantité non négligeable pour un écosystème forestier en bonne santé ! L’Office national des forêts (ONF) stipule d’ailleurs dans ses contrats de vente de bois que l’acheteur n’a pas le droit d’effectuer une telle ponction. De son côté, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a mené dans les Landes une étude qui montre que cette pratique provoque une grave stérilisation des sols. Par ailleurs, il est évident que si les promoteurs ne trouvent pas assez de matière, ils se tourneront vers le bois sur pied (comme le fait l’entreprise E-ON à Gardanne près d’Aix-en-Provence), alors que toutes les études montrent que les forêts de la montagne limousine sont déjà trop sollicitées.

Nous pouvons également nous poser la question de la gestion de l’eau dans ce projet. Les promoteur annoncent un prélèvement de 2 m3 par heure, les cours d’eau peuvent-ils le supporter ? D’autant plus que ne savons ni dans quel état ni à quelle température l’eau sera restituée aux rivières et donc quels seront l’ampleur des déséquilibres et des dégâts liés que nous pouvons imaginer.

Le projet se base sur une évaluation économique opportuniste et à courte à vue

Dans les Landes, les entreprises qui effectuent ces prélèvements les rémunèrent entre 1 et 2 € la tonne. C’est à ce prix (auquel peuvent venir s’ajouter des subventions aux « énergies vertes » et des défiscalisations) que de tels projets sont présentés comme économiquement viables. Et comme dans toutes les entreprises de ce genre, leurs prévisions ne tiennent compte ni du coût social et environnemental lié à l’épuisement des écosystèmes ni de la dégradation des biens collectifs (comme celui des routes et du transport ferroviaire...) qu’elle engendrera, des coûts invariablement reporté sur les collectivités publiques.

Des impacts néfastes aussi pour les habitants, la santé, l’emploi et la qualité de vie

Plusieurs exemples nous montrent que les habitants pâtissent des projets similaires :

  • L’usine à pellets de Cosne-sur-Loire génère des émissions sonores importantes à plus d’un kilomètre à la ronde. Le voisinage en souffre sérieusement : « Même avec du double vitrage, j’ai l’impression qu’il y a une chaudière à côté de moi  » ; «  C’est comme si on passait l’aspirateur au-dessus de ma tête » témoignent-ils. Ils évoquent aussi la dissémination de nombreuses poussières issues du broyage ;
  • L’usine à pellets torréfiés de Zilkha, aux États-Unis, produit des odeurs nauséabondes à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde.

De plus, la livraison de 100 000 tonnes de bois par an correspond à la circulation de plus de 6 000 camions par an supplémentaires à travers toute la montagne limousine. En plus de l’impact sur l’état des chaussées, le danger pour chacun lié à la circulation de milliers de poids lourds sur des routes inadaptées est un sujet permanent dans notre région.

Si les retombées économiques et sociales semblent nulles, le projet menace des activités existantes. En effet, les promoteurs parlent de créer quelques dizaines d’emplois, mais de quels emplois parle-t-on ? Il s’agit de travailler dans la poussière et le bruit issus du broyage et dans l’odeur permanente liée à la torréfaction. De plus, ces emplois disparaîtront lorsque les ressources exploitées auront été épuisées, comme cela risque d’être rapidement le cas.

À l’inverse, les nuisances de l’usine ne seront pas sans conséquence pour les emplois aux alentours : une enquête rapide nous permet déjà d’estimer à une vingtaine les emplois menacés à proximité de la future usine (centre équestre, camping, centre sportif...), sans parler de l’attractivité de Viam et de Bugeat, lorsqu’une telle unité de production aura été installée à seulement deux kilomètres des bourgs.

Agir sans plus attendre, partager ce à quoi nous tenons

Ce texte est issu d’un travail d’analyse qui commence à peine, mais dont les premiers résultats soulèvent d’ores et déjà de graves problèmes. Derrière un discours séducteur véhiculant des généralités sur « l’emploi », « l’innovation » et « l’écologie », il nous semble au contraire que ce type de projet a tout d’une entreprise mensongère et dévastatrice, mêlant captation d’argent public, enjeux boursiers, intérêts à court terme et destruction de l’environnement social et naturel. L’usine à pellets de Viam-Bugeat ne présente aucun intérêt pour notre territoire, au contraire elle représente une menace pour son écosystème et nos vies. De toute évidence nous avons mieux à faire avec la forêt de la montagne limousine !

Nous ne pouvons pas nous résoudre à l’idée de laisser se développer des pratiques qui consisteraient à produire en quelques décennies un désert en lieu et place de la montagne limousine. Nous n’habitons pas un no man’s land auquel on pourrait imposer un site industriel bruyant et nauséabond et qui en prélèverait les dernières ressources en échange d’une poignée d’emplois de mauvaise qualité. Et nous refusons absolument qu’il le devienne ! Nous invitons toutes les personnes concernées à échanger avec nous sur le sujet, à interroger leurs élus et les promoteurs de ce projet sur les problèmes que celui-ci soulève déjà.

Ce premier constat nous invite d’ores et déjà à mettre en œuvre tout ce qu’il faudra pour que ce projet ne se réalise pas ! Non à la montagne-pellets ! Une pétition a été mise en ligne, vous la retrouverez ici.


P.-S.

Pour informer et être tenu informé, inscrivez-vous à notre liste de diffusion en envoyant un mail à : nonalamontagnepellets@riseup.net.


Notes

[1En sylviculture, les rémanents sont les restes de branches ou de troncs mal conformés abandonnés en forêt par les bûcherons et les agriculteurs pour leur faible valeur commerciale.