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Manifestations contre l’« agribashing » : quand la FNSEA se fout de nous

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La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs manifestent encore et toujours contre « l’agribashing » de agri pour agricole et bashing de l’anglais to bash : critiquer. Il faut y comprendre le mépris pour les paysan·ne·s mais avec de l’anglais ça fait plus classe. Mais si ce mépris envers le monde rural est réel, les syndicats agricoles majoritaires l’utilisent surtout pour défendre leurs pratiques agro-industrielles toujours plus destructrices pour les humains comme pour le reste de la nature. Ainsi, on peut voir des bâches taguées de slogans qui en disent long : « Faites nous confiance, laissez nous faire notre travail. »
Après avoir défendu l’industrialisation du monde rural à marche forcée avec son lot de pesticides et sa déconnexion d’une large partie de la population, la FNSEA ou encore la Coordination rurale (qui vient de gagner les dernières élections de la chambre d’agriculture de Haute-Vienne) s’étonnent qu’on ne leur fasse pas une confiance absolue sans aucun contrôle sur leurs pratiques. Un peu comme quand la police s’étonne qu’à force de tabasser toujours plus de monde, plus personne ne lui fait confiance.

Les métropoles contre le monde rural

Les agriculteur·ice·s ont bien raison d’être en colère. Beaucoup se tuent au travail, au sens propre comme au figuré, et la plupart ont un salaire de misère. Leur travail est dépendant des taux des marchés et de la « concurrence » internationale alors même qu’ils répondent à un droit et un besoin vital : s’alimenter. La considération pour les travailleurs de la terre est bien basse, on y préfère les start-uppers branchés façon LREM. La population rurale en France est largement minoritaire avec moins de 20 % des habitants, et les paysan·ne·s représentent moins de 2 % des travailleurs. Même si l’image de la campagne devient plus séduisante en ces temps de green washing généralisé la réalité reste que les métropoles et le mode de vie basé sur la consommation s’étendent toujours plus. Les campagnes, comme toutes les villes qui gardent un lien avec la ruralité ou avec le monde ouvrier, font les frais du mépris généralisé lorsqu’elles ne suivent pas les nouvelles modes culturelles et de consommation de la bourgeoisie ou tout simplement qu’elles sont trop à la traîne dans la grande compétition entre territoires. Il ne faut donc pas réduire la colère agricole actuelle à de simples velléités réactionnaires, elle prend sa source dans un malaise profond et bien réel auquel les solutions doivent être une transformation radicale du modèle alimentaire.

Méfiance n’est pas mépris

Car le mépris envers le monde agricole n’est pas à confondre avec la méfiance d’une partie de la population envers les pratiques agricoles basées sur la chimie destructrice. Car ce que défendent la FNSEA, les JA et la CR ce sont plus les entreprises de la chimie que les intérêts des paysan·ne·s. La FNSEA est au syndicalisme agricole ce que le Medef est aux patrons : elle ne défend pas les paysans mais des gros agriculteurs qui sont des « chefs d’exploitations » agricoles et non plus des paysans reliés à la terre qu’ils travaillent et qu’ils habitent.
Ces organisations syndicales utilisent la lutte contre l’« agribashing » comme un paravent d’une lutte pour préserver des intérêts marchands contraires à l’intérêt collectif. Elles ne remettent jamais en cause le capitalisme et son marché et le fait que l’alimentation, tout comme leur travail, en soit dépendants. Elles pensent que posséder des terres agricoles leur donne un droit absolu sur leur utilisation et oublient que les terres sont aussi un bien commun. Elles utilisent le mépris réel d’une partie de la population pour délégitimer les questionnements autour des pratiques agricoles. Pourtant ces questionnements sont sains et montrent une résurgence de l’intérêt collectif pour l’agriculture. Il pourrait être l’occasion de penser un modèle d’autonomie alimentaire à large échelle qui permettrait une vie digne des paysan·ne·s et une production agricole basée sur les besoins, hors du cadre spéculatif et capitaliste.

Le monde agricole n’est pas condamné à rester la base arrière du capitalisme alimentaire accompagné d’un conservatisme stéréotypé. Opposons-nous vivement à toutes les instances syndicales productivistes mais nouons des liens avec les paysan·ne·s pour des campagnes révoltées et une alimentation qui sort des circuits marchands.