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Opération place nette : le terrorisme d’État assumé

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Le gouvernement a lancé des descentes de police, au nom de la lutte antidrogue, à grand renfort de communication. Une opération de terreur qui vise tou-te-s les habitant-e-s de quartiers populaires et qui rappelle que derrière la lutte contre la drogue se cache surtout des politiques racistes.

Des centaines de descentes de police partout dans les quartiers populaires, Macron qui se met en scène, un directeur de journal mis à pied pour un titre qui ne suit pas la ligne du parti [1], des saisies ridicules au vu des moyens déployés et comme toujours des arrestations. La répression du trafic de drogue, un business capitaliste qui prospère, est toujours un bon moyen de communiquer sur la puissance de l’État et son autoritarisme.

Après des descentes à Beaubreuil ou la ZUP de l’Aurence (deux quartiers prioritaires de Limoges) c’est la cité Bellevue de Glane, à Saint-Junien, qui a vu la gendarmerie débarquer en nombre. A Limoges, c’est 150 gendarmes pour saisir 22 kg de cannabis et quelques grammes d’autres drogues. Une saisie bien ridicule au vu des moyens. Mais le plus ridicule reste à venir, à Saint-Junien, c’est 45 gendarmes, avec les chiens, qui boucle le quartier, inspectent les voitures et font le tour de 3 immeubles pour... rien.

Et c’est assumé, le commandant Barthet de la compagnie de Saint-Junien déclare au Populaire « L’important aujourd’hui n’est pas tant de saisir des quantités importantes de drogues, mais bel et bien de montrer notre force de déploiement. », « Nous étions déjà venus il y a une semaine et la chienne avait marqué certains endroits. Même si dans ce quartier, il n’y a pas de problématiques majeures, ni un point de deal identifié, nous savons qu’il y a des consommateurs et qu’il est donc important de réaliser des contrôles.  » Des consommateurs il y en a sûrement autant aux Émailleurs (quartier bourgeois de Limoges) ou dans le XVIe arrondissement de Paris, pourtant ces quartiers n’auront sûrement pas le droit aux descentes et aux divers coups de pression.

Envoyer l’armée boucler un quartier et fouiller des bâtiments d’habitations au nom de la lutte contre la drogue, tout en sachant qu’il n’y a même pas de revente à cet endroit ? L’objectif est ailleurs : communiquer et faire peur.

L’histoire de la lutte antidrogue : une politique raciste

Au début des années 1970, aux États-Unis, c’est Nixon qui lance les premiers grands plans « antidrogue ». Il s’agit d’une période de mouvements d’afro-descendant-e-s très forts et d’un mouvement antiguerre du Vietnam puissant. Selon un ancien conseiller de Nixon, John Ehrlichman, la stratégie politique de Nixon de mener des grandes campagnes contre les drogues, était une manière de s’attaquer aux communautés africaines-américaines en même temps qu’aux militant-e-s pacifistes de manière détournée.

Envoyer des militant-e-s noir-e-s en prison ou des pacifistes (ou les deux) était trop compliqué alors qu’en plaçant la lutte contre la drogue comme la lutte morale par excellence permettait d’ouvrir les portes de toutes les législations et opérations exceptionnelles. Ainsi, le crack, consommé principalement par des personnes noires, faisait risquer une peine 100 fois plus importante que la cocaïne, drogue principalement consommée par les blanc-he-s et les riches.

Les personnes noires ont écopé aux États-Unis d’un traitement médiatique diabolisant qui les a associées à la consommation et à la vente de drogue alors que tous les chiffres montrent qu’ils ne consomment ni ne vendent plus que les blanc-he-s.

En France, c’est au même moment, et dans une logique que l’on peut penser similaire que la lutte contre les drogues prend son envol. Sûrement inspiré des politiques de Nixon, dans les années 1970 les premières lois antidrogues arrivent et annonce la couleur : augmentation des moyens pour la police, peines et dispositifs (para)judiciaires exceptionnels... Dans la France post-68 avec des mouvements étudiants d’extrême gauche très forts et la montée de l’organisation antiraciste et des émeutes dans les quartiers populaires, ces nouvelles lois font des ravages sécuritaires autant que sanitaires. De la même manière que l’imaginaire de la consommation et la vente de drogue se lie durablement aux populations racisées, les descentes de police se multiplient et la drogue est vue comme le mal absolu contre quoi tout est permis. En France, comme aux USA, la vente et la consommation de drogue sont loin d’être l’apanage des jeunes pauvres racisés mais ceux-ci se font plus arrêtés car sont plus surveillés, fouillés, ...

Dans les années 1980 c’est particulièrement les jeunes racisés de banlieues qui vont être la cible d’acharnement politique, médiatique et policier. Par exemple, le PCF qui dirige beaucoup de communes autour de Paris, organise des manifestations racistes sous le prétexte de lutter contre la drogue [2], rase un foyer de 300 travailleurs Maliens ou expulse de leur logement des personnes accusées de dealer sans preuves.

La guerre contre la drogue a également eu des effets mortels, littéralement, puisqu’elle a empêché toute prévention. Ainsi, en plus des overdoses, le VIH s’est propagé dans les populations pauvres et racisées de manière catastrophique par l’usage de seringues usagées dans la consommation d’héroïne. On a laissé mourir des milliers de personnes alors qu’on les a utilisées médiatiquement pour les criminaliser. Pour autant, le trafic de drogue n’a cessé de grossir devant la manne financière qu’il représente et sa criminalisation n’a fait que soutenir son développement économique autant que la consommation dangereuse, cachée.

D’autre pays, comme le Portugal, ont adopté des politiques différentes de dépénalisation totale.

Opération place nette : terroriser pour mieux régner

Depuis des années nous assistons à un renouveau politique dans les quartiers populaires. Mobilisations contre les violences policières, contre le racisme systémique ou l’islamophobie, émeutes importantes, mobilisation actuelle dans les lycées abandonnés... C’est le moment que choisit le gouvernement Macron pour envoyer des troupes massives fouiller et quadriller des quartiers partout en France. Difficile de ne pas y voir un message, comme le dit le commandant de gendarmerie : « montrer [leur] force de déploiement ».

Les tensions sociales s’accroissent, les politiques antipauvres et la racisme s’accentuent, la séparation d’une caste de privilégiés qui ne gouvernent que pour eux-mêmes est flagrante, il faut montrer le bâton. Montrer que l’État n’a plus besoin de la carotte, mais juste d’un pays qui se tient sage, sinon il a les moyens d’enfermer, de brutaliser. On sait que les violences policières quotidiennes sont autant de rappels de l’ordre établi mais nous rentrons là dans une autre échelle. Il ne s’agit pas que de communiquer auprès des réactionnaires potentiellement votants mais bien auprès de tou-te-s les potentiel-le-s insurgé-e-s.

Le trafic de drogue n’est pas le sujet, ce qui compte c’est de montrer la puissance de l’État et de toujours montrer du doigt les populations racisées et précarisées pour empêcher toute empathie, toute alliance politique avec des quartiers entiers montrés comme indésirables. De diviser même à l’intérieur des banlieues : sois docile, accepte ton intérim et ton salaire de misère car regarde ce qui t’attend en cas de sortie des clous. La catégorie méchant vendeur de drogue, à côté de la catégorie de l’islamiste, n’a pour vocation que d’enfermer et de faire peur.

Face à la terreur d’État, soyons solidaires, aucune répression n’est une réponse. Les personnes ne peuvent pas faire les frais d’une communication politique de droite extrême.



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